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Épisode 18 : L’estime de soi

Afin de faire table rase des velléités de la victime, le Pervers manipulateur  va s’attacher avec une méticulosité d’orfèvre à détruire l’image qu’elle a d’elle-même.

«  J’ai cru à sa bienveillance, raconte Laure. Pourtant, il ne l’a jamais exprimée clairement ; mais j’avais un tel désir de gentillesse que les moindres paroles aimables brillaient comme des pépites, pour moi. »

Le pervers manipulateur et la faille narcissique

En raison de ses diverses dimensions et de son lien avec la sphère sociale, l’estime de soi peut s’avérer fragile, changeante, modulable… voire modelable. Cette semi-précarité constitue cependant sa force : l’estime de soi est flexible. Si elle peut être entamée ou dévastée par des événements délétères ou un manipulateur pervers, , elle peut aussi être renforcée, restaurée, grâce à une influence positive. Il est important que les victimes des manipulateurs pervers aient à l’esprit ce message d’espoir.

Le thérapeute aidera la personne touchée à aller rechercher au fond d’elle-même ce qui a été enfoui. Cela n’a pas disparu totalement car, si le manipulateur pervers « détruit », il ne peut atteindre les strates les plus intimes… Le thérapeute, si.

Le niveau profond, moins « attaquable », c’est le narcissisme, ce qui permet de se construire au niveau de l’identité. C’est soi avec soi-même, alors que l’estime, c’est surtout soi avec les autres, par rapport aux autres, dans leurs yeux. L’estime de soi est en quelque sorte la partie émergente du narcissisme, attaquée par le pervers manipulateur. Ce narcissisme (celui que les psychanalystes définissent comme « narcissisme primaire ») est la base de l’identité de l’individu. Une fois constitué, il est pratiquement « définitif ».

Pour schématiser, on pourrait écrire que le narcissisme est la strate de base, le matériau géologique. L’estime de soi, l’édifice construit par-dessus.

Si la roche est solide, la personnalité « tiendra debout » ; si elle est friable ou crevassée, elle s’écroulera. La faille narcissique de la compagne d’un pervers manipulateur, dont nous avons parlé au sujet de son profil, perturbe l’estime qu’elle a d’elle-même et la rend fragile.

La victime que le PN « aime »

Ce qu’un manipulateur pervers « sent » dès le début, c’est ce narcissisme déficient que sa victime a développé depuis l’enfance. Son estime de soi est ébranlable, et cela un pervers narcissique pervers le sait. Il est avide de ce trait de personnalité. C’est comme si, plus ou moins consciemment, il se disait : « Cette femme, est exactement ce dont j’ai besoin ! Elle est flattée d’être regardée (quand il la séduit)… ». Comme une quasi-déesse, la femme devient alors salvatrice et unique et acceptera ensuite, d’autant mieux les agissements du pervers manipulateur, en se mettant dans une position sacrificielle… l’exploitation affective peut alors commencer.

Le pervers manipulateur s’empare habilement de la prédisposition de l’autre à la dépendance affective. Sa compagne possède toujours ce trait.

Or, le sujet dépendant affectif se sent incomplet sans l’apport du partenaire et devient son satellite. Alimentée par la peur de l’abandon, cette complétude illusoire occupe toute la place, au point d’aspirer à être « comme l’autre l’attend ». Mais le plus souvent, le conjoint en dépendance affective bâtit mentalement une image tout à fait arbitraire du désir de l’autre, de ce que l’autre attend d’elle, et s’impose de rentrer dans un moule, dont cet autre n’a que faire, laissant de côté ses propres besoins.

Or, le couple n’apporte pas, par sa simple existence, une identité à qui que ce soit.

Le pervers manipulateur sait jouer de plus, avec brio, sur le sentiment d’insécurité  provoqué par la dépendance. Le sentiment de sécurité avec un tel personnage est relatif, car le moteur de l’attachement réside dans la peur de l’abandon. Il s’agit d’une « sécurité névrotique » qui ne se remplit pas, car la demande en est sans cesse renouvelée avec angoisse.
En somme, dans la relation où intervient la dépendance affective de l’un des deux partenaires, ce dernier y laisse une part de lui-même, surtout si, par mésaventure, l’autre profite de la situation et exploite cette dépendance : « On ne fait plus qu’un, oui, mais lequel ? »

La culpabilité cultivée

Toute l’habileté du pervers manipulateur se déploiera à prouver la culpabilité de sa partenaire : à la fois à ses propres yeux (« Je suis nulle et c’est ma faute ») et à ceux des autres, parents, amis ou collègues (« Elle exagère ; c’est lui qui fait tout, elle pourrait lui être plus reconnaissante » ; « Elle ne s’occupe pas beaucoup des enfants, etc.) ».

Il exige de l’autre qu’elle soit parfaite et, comme cela est impossible, elle s’avère forcément inadéquate, en tout, à chaque instant. L’emploi, chez lui, de la forme négative pour interroger est très prisé : « Tu n’as pas pensé à acheter du pain ? » Il sait déjà que non : sa question ne sert pas à recueillir une information, mais à souligner l’oubli et à créer la culpabilité.
Il est donc très important pour le pervers manipulateur de prouver que sa compagne est mauvaise, incapable, ingrate… Lorsque le geste inaccompli ou la tâche non remplie le concerne directement, la culpabilité induite est encore plus forte et immédiate : « Tu n’as pas acheté ma bière ?! »

La notion de narcissisme est centrale pour comprendre ce qui est à l’œuvre dans ce type de manipulation perverse.

Chez la partenaire d’un PN, le manque d’amour d’elle-même la porte à surdéterminer la relation et à idéaliser l’autre : sa source d’amour vient de l’extérieur. Elle n’a pas assez de ressources à l’intérieur, ce qui l’induit à une grande dépendance dans la relation.
Chez son partenaire,  la souffrance d’origine est la même, mais elle se double d’une autre pathologie : la perversion. Alors que sa partenaire va attendre jusqu’à l’insupportable pour qu’il lui témoigne de l’amour, lui va prendre ce dont il a besoin pour combler cette défaillance. Mais lui est condamné à répéter cela sans cesse le schéma, parce que ça ne s’inscrit pas, ça ne se répare pas, c’est comme un puits sans fond.

Les conséquences de la relation avec le pervers manipulateur

Pour la victime, les conséquences seront multiples.

Au niveau personnel :
Sa vie intérieure étant entamée, ses repères écroulés, la victime tombe très souvent dans la dépression. Apathie, découragement, laisser-aller (que le pervers manipulateur reproche vigoureusement à sa compagne : « Regarde-toi ! Dans quel état tu es ! Quelle honte ! »). À cet état dépressif plus ou moins accentué, s’ajoute la peur, car aux côtés du pervers, la menace plane toujours.

Après la séparation, les exigences qu’il a su instiller perdurent : il existe un effet-retard de ses agissements.

Episode suivant :  Comment déceler un pervers narcissique ?

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