PEUT-ON FAIRE CHANGER UN PERVERS NARCISSIQUE ?

Peut-on changer un pervers narcissique ? Le praticien honnête répond tout de suite non, car du point de vue clinique, les cas de guérison avérés sont inexistants. Pourtant, changer ou soigner un partenaire pervers narcissique reste l’impossible challenge de nombreuses victimes. Or, non seulement cette entreprise est vouée à l’échec, mais elle tend en plus à renforcer l’emprise psychologique. Voyons comment.

Peut-on changer un pervers narcissique ?

Il y a beaucoup de raisons qui poussent à répondre non à cette question. La première est la structure psychologique même du narcissique, qui se considère, et a besoin de se considérer, comme supérieur au commun des mortels. Il ne souffre chez lui aucune imperfection. Même s’il se regarde beaucoup dans la glace, il ne se reconnaît aucun défaut. La principale carence qui empêche tout changement chez lui est là : il lui est tout bonnement impossible de se remettre en question.

Mais ne peut-on pas changer un pervers narcissique lorsqu’il le demande ou lorsqu’il promet qu’il changera, par exemple ? Non, car ce genre de situation s’avère toujours être une tactique comportementale. On parle du chaud et du froid du manipulateur, qui consiste à regagner la confiance d’une victime, pour mieux la replacer ensuite sous son emprise. Les pardons qui semblent les plus sincères du monde sont monnaie courante chez les pervers narcissiques. Ils en usent lorsqu’ils ont dépassé les bornes de la violence psychologique, verbale ou physique. Ils alternent donc les phases de repentir à leurs méfaits. Il faut donc toujours se méfier lorsqu’ils promettent de changer, car il s’agit d’une tactique pour gagner du temps et reprendre la situation bien en main !

Autre raison pour laquelle on ne peut pas changer un pervers narcissique : il est le dominant au sein de la relation et se voit comme tel. Objectivement, il n’y a aucun intérêt à changer quelque chose, tout va très bien pour lui !

Quant à croire qu’il souffre et que beaucoup d’amour pourrait « le guérir », cela relève du fruit de sa manipulation. Les souffrances dont il s’affuble n’ont qu’un but : se faire passer pour une victime. Il cherche à faire naître chez l’autre la culpabilité et le désir d’être son sauveur, c’est-à-dire son obligé. La victime s’affuble alors du dangereux complexe de l’infirmière. Cela la rend, sur le plan psychologique et émotionnel, corvéable à merci.

Le manipulateur pervers narcissique est en proie à un grand vide intérieur et à une absence de sentiment. Mais il n’est pas vraiment conscient de son mal-être et ne lui accorde au fond aucune importance. Vivre dans le conflit et la violence est logiquement le prix à payer pour le pouvoir. Il faut y voir l’une des raisons qui le poussent à n’avoir aucune empathie, ni pour les autres, ni pour lui-même.

Au reste, les pervers narcissiques mettent rarement les pieds chez un psychiatre ou un psychothérapeute. S’ils le font, c’est souvent dans le but d’en retirer quelque chose, comme faire passer pour folle leur compagne ou leur compagnon. Du haut de leur toute-puissance, ils n’hésitent pas non plus à contredire leur thérapeute ou à remettre en cause sa compétence. Parce qu’ils s’estiment supérieurs à lui et parce qu’ils sont hostiles au savoir et à l’objectivité.

Lorsque l’on cherche à changer le manipulateur

De telles tentatives s’avèrent toujours des catastrophes pour les victimes. Elles vont s’épuiser dans d’interminables et d’épuisantes joutes verbales avec leur bourreau, pour voir leurs efforts se retourner au final contre elles. Un être manipulateur se sent agressé par la critique et met en place face à elle l’un de ses mécanismes de défense préférée : l’identification projective. Il juge alors l’autre, ni plus ni moins, à l’aune de sa propre image. Un enfer pour ceux et celles qui croyant l’aider, se retrouvent affublés de tous les défauts de son caractère pervers ! Une confusion totale s’installe, au point où la victime risque de se croire elle-même folle ou perverse…

En dépit de cela, la tentative de changer un pervers narcissique est toujours une tentation pour une victime.

Il faut y voir plusieurs raisons : parce qu’il est difficile de faire son deuil d’une telle relation et parce que « sauver » son bourreau équivaut à une forme de toute-puissance. C’est l’illusion de pouvoir garder le contrôle de sa vie et de cette relation infernale.

La découverte du visage pathologique d’une telle relation constitue, en effet, souvent un choc et entraîne des réactions de déni. Croire fermement que le partenaire « changera avec le temps » est une façon de se prémunir contre une vérité inacceptable ou un échec trop lourd à porter. De plus, les victimes ont souvent vécu la phase de la fameuse « lune de miel » qui leur a fait idéaliser la relation au départ. Il faut comprendre qu’elles vivent une véritable addiction à leur partenaire. L’aide d’un thérapeute spécialisé dans les manipulateurs est le meilleur appui pour sortir de ce type d’emprise, car souvent, l’entourage n’est pas de taille.

En cherchant à faire changer un manipulateur pervers, la victime remet inconsciemment dans les mains de son bourreau la responsabilité de son bonheur.

C’est de lui qu’elle attend, de fait, la fin de l’enfer, alors qu’il ne peut venir que d’elle, en fuyant ce harcèlement continuel.
Rompre avec la souffrance et renoncer à une relation toxique se travaille en thérapie pour comprendre en soi ce qui a permis cette manipulation. Les victimes ont besoin de comprendre qu’elles ne sont pas coupables de leur malheur, mais qu’elles y consentent de façon inconsciente.

Selon les propres termes de Racamier, auteur du concept de la perversion narcissique : « il n’y a rien à attendre de la fréquentation des pervers narcissiques, on peut seulement espérer s’en sortir indemne ». Une transformation personnelle peut quand même se faire jour avec la thérapie, ce qui est sûrement le seul changement positif que cette rencontre peut apporter.

Pascal Couderc, psychanalyste et psychologue clinicien spécialisé dans les manipulateurs, offre le soutien de la thérapie à celles et ceux qui ont besoin d’être aidés  pour sortir d’une emprise. Thérapie possible sur Skype.