9 TECHNIQUES DE MANIPULATION
Pour installer son emprise, le pervers narcissique utilise et met en place un certain nombre de techniques de manipulation.
Il adapte ces techniques de manipulation à la personnalité et l’histoire personnelle de sa victime du moment. Le manipulateur pervers a une véritable stratégie de prise de pouvoir sur l’autre. Pour cela, il pratique la mise en dépendance, la culpabilisation, le dénigrement, le chantage affectif, le mensonge, le verrouillage, l’isolement, le renversement en son contraire.
Toutes ces techniques de manipulation vous sont expliquées afin que vous sachiez mieux les percevoir et les détecter.
Sommaire
Le chantage affectif
Le chantage affectif fait partie des techniques de manipulation mentale qu’un manipulateur manie à merveille. D’où cette instabilité permanente des victimes qui les plonge dans une forme d’usure ou de chaos psychologique invivable qui va les maintenir sous emprise. Vivre le grand amour avec le prince charmant a pour elles un prix : celui de satisfaire à toutes ses exigences de tyran…
Le chantage affectif en psychanalyse
En psychanalyse, le chantage affectif fait partie du syndrome de toute-puissance. Dès lors que les parents ne fixent pas de limites dans l’éducation de leur enfant, ce dernier profite de la situation. Il comprend vite qu’il a un pouvoir sur eux, qu’il est tout-puissant au point de se jouer d’eux. Comment s’y prend-il ? En usant du chantage suivant : « Je te donne de l’amour uniquement si tu fais ce que je te demande, et tout de suite ! ». En devenant adulte, l’enfant reproduira ce fonctionnement dans ses relations amoureuses, comme cela est à l’oeuvre dans la perversion narcissique.
Les pervers narcissiques ont en commun avec les enfants d’être dans la toute-puissance de leurs désirs. Ils s’emparent donc naturellement du chantage affectif et du chantage émotionnel pour s’affirmer dans la relation amoureuse. Bourreaux tout-puissants, ils malmènent leurs victimes dans un « je t’aime, moi non plus », où ils ne s’engagent jamais par peur de perdre leur pouvoir.
Les différents chantages du pervers
Le chantage affectif est une manipulation émotionnelle qui joue avant tout sur la corde de la culpabilité. Il sert à obtenir de l’autre ce que l’on veut au moyen des sentiments. Il relève non seulement du mensonge, mais aussi de la violence psychologique. Si le pervers narcissique l’utilise si souvent, c’est qu’il lui est nécessaire pour maintenir son emprise. Un chantage affectif continuel rassure tout être manipulateur qui a toujours secrètement peur de perdre sa proie. La succession des chantages sont autant de rituels pour lui, qui viennent lui confirmer son ascendant sur sa proie. Le fait que celle-ci obéisse est de plus vécu pour lui comme un acte de loyauté, même si, profondément, cette soumission n’est mue que par la dépendance affective.
Les chantages affectifs peuvent prendre différentes formes. La jalousie du pervers narcissique est certainement son visage le plus courant, quand il s’agit que rien ni personne n’approche de sa victime. Les termes seront sans équivoque : “c’est lui ou moi”, “ne me fais pas souffrir…”
La séduction et le mensonge viennent aussi couramment à l’appui d’un chantage affectif. Le manipulateur promettant monts et merveilles à sa proie pour obtenir ce qu’il veut. Ces promesses peuvent prendre d’ailleurs un tour parfois puéril, comme : “Si tu le fais pour moi, je t’aimerai encore plus”!
Mais le chantage affectif d’un manipulateur pervers inclut aussi souvent la menace : « il est hors de question que tu dises non », ou la dévalorisation : “je ne sais vraiment pas ce que je fais encore avec toi “.
Néanmoins, un chantage affectif effectué avec doigté cherche toujours à faire culpabiliser : “je croyais que tu m’aimais plus que ça” ou “tu es incapable de me comprendre” ! Toute personne manipulatrice adore se poser en victime et excelle à ce petit jeu. Elles exercent aussi très bien leur pression affective par le silence, ou la bouderie hostile, qui finit invariablement par faire craquer leurs victimes.
La position de la victime
Subir les chantages affectifs d’un pervers narcissique est l’on s’en doute éprouvant, même si ces prédateurs savent faire alterner les moments de calme entre leurs différentes attaques. Le chantage affectif n’est qu’une arme parmi d’autres dans la panoplie du manipulateur pour faire vivre l’enfer à ses victimes.
Peu à peu celles-ci risquent d’abdiquer et de renoncer à se battre, cédant à tous les caprices de leur bourreau. Mais il est possible de prendre conscience de la présence d’un chantage émotionnel par certains signes, certaines intuitions. Souvent, la victime se sent mal à l’aise et en porte-à-faux avec elle-même : elle s’en veut d’avoir obéi, mais il est trop tard. Ces sentiments sont un signal qu’elle est souvent en train de se trahir et qu’elle vit un leurre. Parfois, elle se sent aussi partagée, entre la peur de décevoir le pervers et sa propre volonté.
Elle peut aussi être en colère de se sentir manipulée et ressentir de la culpabilité vis-à-vis d’elle-même ce qui l’installe dans le doute et la honte. Toutes ces émotions sont très néfastes et portent atteinte à l’estime de soi des victimes. Pourtant, elles sont aussi autant d’indices qui révèlent la présence de la manipulation et suggèrent par leur inconfort psychologique, un certain besoin d’en sortir. Mais il est difficile de sortir de l’emprise d’un pervers maître-chanteur, car il menace souvent, se plaint sans arrêt, et déploie une énergie considérable à isoler ses victimes.
Résister au chantage affectif et émotionnel
Si les manipulateurs excellent dans le chantage, c’est qu’ils connaissent bien le terrain auquel ils s’attaquent avec les faiblesses et la faille narcissique qu’ils peuvent exploiter chez l’autre. On le sait, ceux qui nous connaissent le mieux nous manipulent avec d’autant plus de facilité. Cela rend les chantages des pervers narcissiques d’autant plus dangereux lorsqu’ils sont exercés à l’intérieur d’une même famille, notamment par des parents toxiques.
Alors que faire pour résister à ces chantages ? D’abord sûrement ne pas réagir et refuser d’être l’otage de la violence affective perpétrée par l’autre. Il faut aussi se poser des questions sur la façon dont l’autre formule ses demandes, s’il y met de la menace et pourquoi se sent-on obligé d’obéir. Les victimes qui obtempèrent aux désirs d’un partenaire toxique doivent aussi se demander pourquoi elles acceptent et ne pas se cacher qu’elles subissent contrainte et emprise.
Résister au chantage d’un grand manipulateur nécessite de mettre beaucoup de défenses psychiques en œuvre : notamment apprendre à dire non et à considérer et respecter ses besoins avant ceux de l’autre. Le travail avec un thérapeute aide à trouver ces repères qui font souvent défaut aux victimes de partenaires maîtres dans l’art de manipuler leurs sentiments.
La culpabilisation
La culpabilisation fait certainement partie des techniques de manipulation les plus redoutées du pervers narcissique, car elle crée un conflit douloureux au cœur même du psychisme de la victime. Elle s’installe sous forme d’une véritable pollution émotionnelle qui « ronge » de l’intérieur et consume jusqu’à la dépression.
Rendre l’autre coupable
La culpabilité est définie par la Psychanalyse comme un état affectif provoqué par un acte que la personne juge intolérable ou comme un sentiment diffus d’indignité. Autrement dit : « Je me sens coupable, car j’ai mal agi » ou « Je me sens coupable d’être une mauvaise personne, indépendamment de ce que j’ai pu faire ». Elle puise ses racines dans l’enfance, lorsque l’on demande à l’individu d’endosser de lourds déterminismes, responsabilités ou autres charges émotionnelles héritées des autres (famille, parents, groupe social…). La culpabilité peut empoisonner la vie psychique d’un individu bien avant que son chemin ne croise celui d’une personnalité narcissique.
La culpabilisation est une utilisation de la culpabilité par les manipulateurs, faisant d’elle une arme psychologique redoutable pour maintenir une victime sous leur emprise. Elle s’appuie sur les failles narcissiques de leur proie, soient sur les blessures psychiques du passé qui lui font toujours ressentir de la culpabilité.
La culpabilisation consiste à faire rejaillir cette culpabilité à chaque occasion et à chaque instant que cela est possible. Elle détruit peu à peu l’estime de soi de la victime et l’amène à créditer l’image négative d’elle-même créée de toute pièce par son bourreau.
Culpabilisation et perversion narcissique
La culpabilisation est une forme de manipulation mentale toujours à l’œuvre dans les relations toxiques. Ce mécanisme pervers est utile aux manipulateurs pour entretenir leur image grandiose d’eux-mêmes, en déviant systématiquement toutes leurs imperfections sur la personne du partenaire. Se sentir coupable est, en effet, totalement insupportable à leurs yeux, car cela vient contrarier l’idée triomphante qu’ils alimentent quant à leur perfection. Et cette idée est nécessaire à leur fonctionnement psychique.
Dès lors, la culpabilisation de l’autre répond pour eux à la stratégie du bouc émissaire, ce qui fait dire à toute personne manipulée que son partenaire pervers ne lui reproche que ce qu’il fait, ou ce qu’il est précisément lui-même !
Les personnes manipulées se retrouvent ainsi rapidement accablées de tous les maux de la terre, la culpabilisation virant au harcèlement moral. Rien n’est jamais assez beau, assez parfait, assez brillant pour l’homme ou la femme perverse narcissique.
Cette responsabilité d’imperfection, c’est l’autre qui doit la porter pour que lui ou elle puisse se sentir fort. Le besoin de détruire est au cœur même de cette logique perverse, car l’être manipulateur fera toujours endosser à l’autre, non seulement ses faiblesses, mais aussi la responsabilité de la violence que cela génère en lui :
« Je ne voulais pas te frapper, mais tu vois bien, c’est toi qui m’y pousse à chaque fois… »
« Tu dis que je ne t’écoute pas, que je ne t’accorde pas d’attention, mais c’est de ta faute, c’est parce que ce que tu dis n’est pas intéressant ».
« Tu me reproches de ne jamais te dire des mots d’amour, mais c’est de ta faute, car tu ne fais rien pour ça ! ».
« Si je ne veux pas d’enfant avec toi, c’est de ta faute, c’est parce que tu ne ferais pas une bonne mère. Tu ne t’occupes déjà pas très bien de moi alors, qu’est-ce que cela donnerait avec des enfants ! ».
La culpabilisation dans la perversion narcissique est donc du grand art, car introduite au départ par la séduction et le chantage affectif, elle semble innocente. Elle relève pourtant d’une technique de manipulation agressive ayant comme finalité l’emprise.
L’installation de la culpabilité et l’emprise
La culpabilisation relève d’une véritable stratégie qui rentre dans la manière dont les pervers narcissiques orchestrent une emprise psychologique. Inconsciemment, le but est de littéralement vampiriser leurs victimes, psychologiquement parlant, afin de les déstabiliser complétement.
On peut parler d’un jeu pervers, avec au départ une phase d’observation qui consiste pour le pervers manipulateur à se tenir aux aguets des moindres erreurs, faiblesses ou fatigues chez sa proie. Le but étant de la faire culpabiliser systématiquement, et le plus possible, pour que le malaise s’installe chez elle de façon diffuse et de plus en plus prononcée. Cela fonctionne quand, sans cesse prises en faute, les victimes en viennent à se questionner, à douter, à croire que sur certains points, l’autre a peut-être raison. En fait, le pervers narcissique devient omniprésent dans leur esprit et minées par la culpabilité, elles cèdent ensuite à la dévalorisation.
Pourtant, lorsqu’elles cèdent à ces sirènes, elles ont beaucoup à perdre, car la dépression va venir s’installer sur le terrain de la culpabilité. Ayant dû enterrer leur amour propre et abdiquer toute estime d’elles-mêmes, elles se retrouvent au final vidées, anéanties, privées des ressources intérieures que confère une bonne estime de soi.
Sortir de la culpabilité
La culpabilité est l’un des sentiments les plus difficiles à vivre et dont tout le monde éprouve le besoin de se débarrasser sitôt qu’il l’éprouve. L’individu est divisé entre ce qu’il ressent et le fait de refuser ce ressenti, ce qui explique que la situation devient rapidement intenable sur le plan psychologique.
Les propos des victimes d’une culpabilisation tiennent souvent du repentir, en se reprochant encore, après coup, d’avoir fait ce qu’elles ne pouvaient s’empêcher de faire : « c’est de ma faute », « je m’en veux de m’être laissée faire »…
Il n’est pas conseillé de garder en soi de la culpabilité, car ce sentiment « travaille » en profondeur et peut mener à s’autodétruire. Il doit au contraire être exhumé pour comprendre ce qui se joue à travers cet affect et les comportements qu’il génère dans notre entourage. Ceci pour clarifier et rééquilibrer nos relations avec les autres, en leur donnant le sens que l’on souhaite, et non celui imposé par des schémas psychologiques pesants et délégués par autrui par le passé. Ce travail sur soi s’effectue en thérapie, lorsque l’on se sent envahi par ce sentiment toxique, notamment lors d’une relation amoureuse avec un être manipulateur.
La mise en dépendance
La mise en dépendance affective par un manipulateur marque le point d’orgue de la manipulation psychologique. Sans elle, pas de véritable emprise possible. C’est la raison qui explique que la dépendance affective est nécessaire à la relation pour le pervers narcissique et qu’il ne prospecte au départ, que des victimes présentant cette sensibilité. Même si le problème n’est que léger, il saura le flairer pour le réveiller et l’exacerber, de manière à asseoir son pouvoir.
La dépendance affective en psychanalyse
Pour mieux comprendre le rapport entre dépendance affective et manipulateur, revenons à ce que la psychanalyse nous apprend.
La Psychanalyse nous explique que l’expérience de la dépendance affective prend racine dans les interactions entre la mère et l’enfant. Une mère déprimée, ou ayant elle-même manqué d’amour étant petite, n’est pas toujours apte à satisfaire les besoins affectifs de son enfant.
Le premier miroir dans lequel l’enfant va se voir, est le regard de la mère posé sur lui. Il va fonctionner comme un miroir. Si ce regard est bienveillant, valorisant, l’enfant va s’y voir de façon positive et, se sentant aimé, va pouvoir s’aimer lui-même.
Si ce regard est absent, ou ne renvoie pas une image valorisée à l’enfant, l’enfant, et ensuite l’adulte, va avoir du mal à s’aimer lui-même et aura donc besoin du regard d’un autre pour le faire. C’est une position de dépendance ; l’enfant est anxieux, il se sent seul et vide. Il va donc tomber dans une addiction affective à la mère, à fortiori aux parents. Le manque qu’il cherche à combler le poursuivra jusque dans ses relations amoureuses à l’âge adulte et se cristallisera en blessure d’abandon.
On se souvient du profil de la victime du pervers narcissique. Elle souffre d’une faille narcissique, c’est-à-dire d’un manque d’estime de soi et reste en manque du regard valorisant que l’autre pose sur elle. Ce miroir perdu de l’enfance, elle pensera le trouver facilement dans les beaux yeux d’un manipulateur narcissique. Mais lui flaire sa faiblesse, et utilise son manque affectif et sa blessure d’abandon comme une porte d’entrée dans sa vie.
Détection de la dépendance affective et manipulateur
Le souci des manipulateurs pervers est donc, en début de relation, de débusquer ce trait de caractère chez leurs victimes. Cette phase d’observation est très active au cours de la fameuse « lune de miel », cette période idyllique au cours de laquelle la victime fait connaissance avec son bourreau. Au cours de cette période bénie, il va deviner, entrevoir et débusquer le moindre indice de dépendance affective dans son caractère de manière, à pouvoir mieux ensuite, bâtir son emprise psychologique sur elle. Ces indices sont nombreux. Ils se révèlent souvent au détour de certains détails, certaines attitudes ou réactions. Citons :
La timidité et la maladresse
Le manque d’assurance est à coup sûr l’indice qui met les manipulateurs sur la trace d’une proie, surtout lorsqu’il contraste avec les qualités d’une personne, qui, en apparence, semble avoir tout, ou du moins beaucoup pour elle. Car cela trahit souvent, qu’en dépit de toutes ses qualités, cette personne n’a pas reçu tout l’amour dont elle a eu besoin. Et c’est un signal fort pour un manipulateur pervers qui pense alors pouvoir jouer les sauveurs en s’emparant de ce manque.
La générosité
Elle est souvent mal dosée chez les dépendants affectifs, qui confondent leurs besoins avec ceux de leur partenaire. Une propension à « donner trop » sera vue comme une faiblesse chez les manipulateurs affectifs qui voient en elle le signe prometteur d’une emprise facile, car, qui dit donner trop dit attendre beaucoup !
Le besoin de protection
Ce besoin est particulièrement cher à l’homme manipulateur, car bien des femmes l’éprouvent toujours aujourd’hui. Il s’alimente souvent d’un sentiment de n’être pas ou peu capable d’effectuer des actes de la vie courante. Cela peut concerner des choses très simples (comme ouvrir un bocal), aux défis plus compliqués, comme réussir un examen. Or, qu’y voit un manipulateur ? L’occasion de monnayer son aide contre une soumission totale. Comme par exemple, avec une victime qu’il soutient pour passer un concours s’il calcule qu’en retour, elle sera plus tard sous son contrôle pour pourvoir entièrement à ses besoin. « Tu n’aurais jamais réussi sans moi », lui dira t’il plus tard…
La solitude
Ce malaise s’accompagne souvent de la peur du rejet et de sentiments d’indignité et de culpabilité. Il concerne beaucoup de personnes fragilisées par la vie, ce qui explique qu’il attire naturellement les prédateurs affectifs et autres manipulateurs narcissiques. Ils se feront forts, en effet, d’être omniprésents dans la vie de ces personnes, les comblant, au début de la relation, de mille choses agréables : sorties, cadeaux, compliments… Au regard de la situation de ces personnes, ces choses vont naturellement créer de la dépendance. Éblouies par tant d’attentions aussi inattendues, celles-ci tombent, de fait, dans le piège de la séduction.
Emprise et dépendance
La mise en dépendance des victimes passe donc par l’illusion que leur manque est comblé. Jamais elles ne se seront senties autant aimées, du moins, le croient-elles. Le problème va venir de la nature de la relation qui s’est installée avec le pervers, relation fusionnelle comme celle mère/nourrisson, cause de la dépendance. À ce stade, l’emprise est installée, et le pervers n’a pas plus qu’à jouer sur cette corde sensible pour obtenir systématiquement d’elles tout ce qu’il veut. Pourquoi ?
Parce que la dépendance affective induit, psychologiquement parlant, un mode relationnel qui se vit dans la souffrance. Plus le sujet est dépendant, plus il s’accroche à son bourreau, façon pour lui, de ne pas vivre l’abandon. Or, plus il s’y accroche, plus il se soumet et abdique sa propre volonté, tant la souffrance est grande : d’où un engrenage dont il est difficile de sortir.
Un narcissique manipulateur utilise instinctivement cette prédisposition chez son partenaire, car cela lui permet de jouer avec l’autre, de jouir de son pouvoir destructeur, et de se contempler dans cette position.
Les manipulateurs utilisent d’ailleurs pour cela divers procédés dont celui de souffler le chaud et le froid. Cela consiste à alterner « la carotte et le bâton », de manière à prendre la victime à revers entre des périodes de complicité et d’effusion de tendresse et des crises de folie et d’agressivité insupportable. Déstabilisée, la victime ne sait plus que penser et s’enfonce dans la culpabilisation. Le trouble vient du fait qu’il est difficile de croire à la perversion d’un partenaire, qui sait se montrer par ailleurs si gentil. La confusion psychologique s’installe et brouille peu à peu la réflexion, ce qui engendre aussi de la dévalorisation, du déni de soi et la tendance à culpabiliser toujours davantage…
En sortir
Il est difficile pour les victimes de rompre quand la dépendance affective à un manipulateur est installée. La situation est bloquée et l’on observe un problème d’altérité de part et d’autre de la relation. Pour le manipulateur dénué d’empathie, la personne de l’autre n’existe pas. Quant au sujet manipulé, il ne met pas suffisamment de distance entre lui et son objet d’attachement, paré, dans son inconscient, de toutes les qualités de ses rêves.
Pour démasquer leur partenaire et se libérer de l’emprise, les victimes doivent affronter cette fragilité qui les a amenées à ne plus exister que dans le regard de cet homme, ou de cette femme manipulatrice. Ce travail se fait en thérapie et permet de découvrir que derrière le rôle de victime, chacun porte une responsabilité inconsciente dans ce qui lui arrive. Le savoir permet d’en finir avec la manipulation mentale, source de ce type de relation hautement toxique.
Le mensonge
Le pervers narcissique est un menteur pathologique. Le mensonge fait partie de son attirail de manipulateur pour piéger sentimentalement ses victimes et les attirer dans une relation d’emprise. Il lui sera facile, ensuite, d’amplifier la violence psychologique en installant le doute dans chaque instant de la relation et en brouillant les pistes dans leur conscience.
Un menteur pathologique et narcissique
Le manipulateur narcissique est un grand menteur pathologique. Il ment tout le temps et à tout bout de champ. Il n’évolue pas, de fait, dans la même réalité que ses victimes, seul lui important le fait de nourrir son narcissisme. Il va donc allègrement vivre dans le mensonge et bâtir ce mensonge de toutes pièces sous forme d’un petit théâtre, où il se joue sa propre vie. C’est là qu’il élabore la mythomanie qui lui permet de séduire ses victimes par le jeu des apparences. Il va, pour cela, mentir absolument sur tout : son identité, ses valeurs, et bien sûr, sur la vraie nature de ses sentiments.
Au niveau de leur identité, les pervers narcissiques mentent ouvertement à leurs victimes dès la fameuse « lune de miel », lors des premières approches. Ils enfilent pour cela divers costumes, aussi brillants les uns que les autres, falsifiant leurs parcours, s’inventant des titres, des amis, des moyens… Cela n’est que tromperie, mais il est très difficile de déceler la vérité, car l’un des « savoir-faire » du manipulateur est de mélanger subtilement mensonge et faits réels. Il va prétendre, par exemple, être proche d’une personne importante, alors qu’il ne fera partie que de ses vagues connaissances.
Les pervers narcissiques mentent tout aussi habilement au niveau de leurs valeurs, s’attachant à se montrer très persuasifs dans ce domaine. Ils jurent (mais exigent surtout) : fidélité, loyauté, amour éternel… Ils gagent ainsi la confiance de leurs victimes et de leur entourage qui les mettent sur un piédestal. Pourtant, tout cela n’est que stratégie : ils ne partagent nullement les valeurs des autres, et il est juste de se demander si leur manière de les « surjouer » n’est pas pour eux, la meilleure façon de s’en moquer. Il faut rappeler, en effet, qu’ils excellent dans l’infidélité, la tricherie et les doubles vies.
D’où le troisième domaine où le manipulateur pervers se révèle un grand menteur pathologique : celui des sentiments. Contrairement à beaucoup de personnes sincères, qui éprouvent une gêne ou une certaine inhibition à exprimer ce qu’elles ressentent, lui exprime volontiers ce qu’il ne ressent pas. Il s’évertue à prononcer des « je t’aime », et des mots doux enflammés pour le plaisir de s’y mirer, car ils lui permettent de soupeser le pouvoir qu’ils lui donnent sur ses proies. Les sentiments sont pour lui son terrain de jeu favori, là où il peut exprimer toute l’étendue de son répertoire de manipulateur.
C’est un véritable escroc, un escroc sentimental !
Emprise, mensonge et manipulation
Le manipulateur narcissique base donc entièrement ses relations sur le mensonge et la stratégie. Il arbore différents masques et dissimule constamment sa vraie nature. Comme tout menteur pathologique, la vérité ne l’intéresse pas, le mensonge correspondant pour lui à « sa » vérité, forgée autour de la nécessité d’ignorer ce qui contrarie ses intérêts narcissiques.
Il va donc garder sa victime prisonnière d’une relation qui n’est qu’une vaste supercherie et où au fond, celle-ci sera seule. Pour cela, il se repose sur la dépendance affective qu’il aura attisée grâce au mensonge et qu’il ne va cesser de faire prospérer, encore grâce à lui.
Comme nous l’avons vu, il sait subtilement faire interférer la vérité avec ses tromperies, ce qui trouble, en permanence, la conscience de ses victimes. Elles ne sont jamais sûres au fond d’elles-mêmes d’avoir complètement raison, ni entendu ce qu’elles ont entendu. Inconfort d’autant plus dur à vivre, qu’il s’ingénie de manière à systématiquement les faire culpabiliser : mentant en leur en attribuant la faute… Son stratagème mensonger préféré est pour cela le renversement des rôles qui lui permet de s’attribuer le rôle de la victime. L’occasion pour lui d’inventer des florilèges de mensonges destinés à justifier son comportement violent, immature et immoral. Il adopte pour cela un discours moralisateur qui se sert de la culpabilité, en employant abondamment le « tu » : « C’est de ta faute», « tu fais toujours ça », « tu m’y as forcé »… » On parle d’identification projective en psychologie dans ce cas, ou du mécanisme qui cherche à faire endosser à l’autre, les tares que l’on porte en soi et qui s’avèrent psychologiquement impossibles à supporter.
Parmi les autres stratagèmes mensongers du pervers narcissique, se trouvent aussi les promesses nombreuses, et non tenues, sa tendance à prêcher le faux pour savoir le vrai et son aveuglement lorsqu’il s’agit de se remettre en question. Le plus épuisant reste certainement d’argumenter avec lui : il a réponse à tout et adore se battre. L’exercice se révèle épuisant et surtout stérile ; jamais ce menteur pathologique ne reconnaîtra le moindre tords. Les victimes qui argumentent avec un tel personnage le font d’ailleurs, moins pour lui faire entendre raison, que parce qu’elles ont besoin, en réalité, de réaliser l’étendue du problème. En appeler à sa responsabilité est vain, il a toujours raison et réponse à tout, et en dépit de toute logique. Essayer d’aller au fond des problèmes avec lui ne va servir en définitive qu’à une chose : découvrir le vaste puits de néant et le manque d’empathie qu’il tente de cacher.
Mensonge et destruction
Là où un simple menteur pathologique ment pour attirer l’attention, le pervers manipulateur ment lui, profondément pour tromper et détruire. Il ne se contente pas de déstabiliser ses victimes et de brouiller leur discernement, il cherche aussi à leur faire assimiler ses croyances mensongères. Croyances qu’il articule avec leur dépendance affective pour s’attaquer à leur estime de soi.
Classiquement, ces croyances s’appuient sur sa toute-puissance et génèrent de la peur et de la soumission. Généralement, il s’agit de proclamer qu’il est supérieur à une victime pour la convaincre de son infériorité. Il cherche aussi à lui faire accepter l’idée qu’elle ne peut rien sans lui, qu’il lui est indispensable, de manière à accentuer la dévalorisation.
Le mensonge redouble en phase finale de destruction, lorsque le pervers a enclavé sa victime et qu’il pense l’avoir à sa merci. Il ne s’insinue plus alors incognito dans la relation comme au départ, mais devient direct et de plus en plus énorme, au mépris de toute vraisemblance. Il contraint la victime à douter de sa propre raison, car plus le mensonge est disproportionné, plus le pervers s’y accroche pour finir par en convaincre l’autre. Il va aussi dire tout et son contraire, pour affirmer quelques instants après, qu’il n’a jamais dit cela. La victime doutera de ce qu’elle est pourtant certaine d’avoir entendu et aura l’impression, purement et simplement, qu’elle devient folle.
Les pervers narcissiques sont d’habiles menteurs, qui possèdent une palette de personnages étendue et se glissent facilement dans la peau de tous ces personnages. Ils croient eux-mêmes en leurs propres mensonges, ce qui est leur plus grande force. Il est difficile pour les victimes de détecter le mensonge, prisonnières qu’elles sont d’une illusion de relation, bâtie sur leur propre innocence. Plus que les outrances de leur partenaire, c’est le mépris de leur propre honnêteté et l’abrogation de toute logique chez lui qui s’avère au final ce qu’il y a de plus destructeur.
Le dénigrement
Le dénigrement d’un pervers narcissique consiste à détruire l’image de l’autre. Il projette dans son ou sa partenaire tout ce qu’il ne supporte pas en lui-même pour arriver à se grandir. Il s’agit d’un comportement destructeur dans un couple car l’autre assimile peu à peu cette image toxique de lui-même. Il s’agit aussi d’une technique de manipulation notoire.
Le dénigrement en psychanalyse
La psychanalyse nous enseigne que le dénigrement adulte est un héritage du dénigrement de l’enfant par ses parents. Il est possible que ce dernier ne soit pas accueilli positivement dans le monde réel et qu’il fasse l’objet de critiques négatives par ses parents. Cela crée une faille narcissique au cœur de l’enfant. Autrement dit, il a un manque d’amour de lui-même. Et cette faille narcissique est la même que celle de ses parents, eux aussi mal-aimés dans leur enfance. Le dénigrement se transmet d’une génération à une autre et d’une victime à une autre. L’enfant victime de dénigrement peut développer un fonctionnement pervers narcissique à l’âge adulte et faire subir à sa propre victime ce qu’il a lui-même vécu étant petit.
Le déni pervers de l’autre
Quand un pervers narcissique dévalorise sa victime, il tente de réparer son narcissisme. Il cherche à se revaloriser, à nourrir son égo, pour se construire une identité acceptable et supportable. Le dénigrement est donc le fruit d’une survie psychologique qui ne peut se faire qu’au détriment d’un partenaire. Raison pour laquelle il cible avant tout l’estime de soi des victimes, en répondant toujours à des formes visant à leur ôter leur valeur personnelle et toute dignité. Ce comportement destructeur dans un couple peut prendre plusieurs facettes :
La critique
La critique systématique ne laisse jamais une victime indemne. Elle est d’autant plus dangereuse qu’au départ, elle s’est crue aimée pour elle-même par son manipulateur d’amant. Notons que la critique des pervers narcissiques ne s’exerce pas toujours de manière directe, mais sera souvent subtilement dosée en fonction des besoins affectifs ressentis chez le partenaire manipulé. C’est le compliment attendu, qui sera tout de suite contredit par un sous-entendu laconique et perfide. Ce type de manipulation vexatoire, plus sûrement encore que le dénigrement direct sait se faire discret pour mieux se répéter, et saper doucement mais inexorablement toute confiance en soi chez les victimes.
Les humiliations privées et publiques
Dans le cadre intime de la relation de couple, le dénigrement s’attache aux particularités de la personne, en grossissant ses imperfections, au point d’en faire une véritable obsession. Ce sont les remarques appuyées qui ciblent le physique de l’autre, son poids, son niveau d’études ou de revenus…
La manipulation par l’humiliation comprend aussi souvent la comparaison avec les autres. Sous-pesée, critiquée à l’aune de la supériorité de son entourage, la victime est ravalée au rang de l’insignifiance. Toutes ses qualités disparaissent sous le flot de la critique, le but de la manœuvre étant qu’elle se sente transparente, errante comme une ombre au milieu de nulle part.
Les humiliations publiques permettent d’ailleurs aux pervers narcissiques de vérifier que ce conditionnement psychologique est bien installé chez leurs victimes. Il leur suffit pour cela de les traiter de façon humiliante devant témoins et de vérifier qu’elles ne répliquent pas. C’est l’homme pervers narcissique, par exemple, qui affuble sa femme d’un sobriquet ridicule, avec l’assentiment et sous les sarcasmes de ses amis.
Mais, à l’instar de la culpabilisation ou du chantage affectif, le dénigrement est un jeu pervers qui s’exerce plutôt dans l’ombre et dans la sphère privée.
Un comportement destructeur dans le couple
Le dénigrement s’inscrit dans les tactiques de manipulation qui visent l’amoindrissement et l’assujettissement de la proie d’un manipulateur. Tout comme le chantage affectif, il concourt à maintenir les victimes sous emprise.
Au début de la manipulation psychologique, le pervers narcissique joue sur la séduction en s’improvisant comme sauveur de sa victime. Il n’est pas avare de compliments et s’évertue même à pallier ce manque de confiance en elle qui la caractérise si souvent, mais au début seulement. Ce n’est, en effet, que parce qu’il l’aura provisoirement « remise sur ses jambes », qu’il pourra ensuite s’amuser à le détruire complètement. Elle s’est ouverte à lui sur ses manques et lui a permis de sonder ses faiblesses : il la connaît donc par « cœur » pourrait-on dire… Et puis, surtout, il a réussi à la convaincre qu’il était tout pour elle et inversement elle, bien sûr, tout pour lui.
Or, une fois cela fait, l’emprise amoureuse s’installe et le manipulateur pervers peut entamer son jeu de massacre. Après un certain temps, la victime va constater qu’il déteste en elle tout ce qu’il disait aimer au départ. Le dénigrement apparait d’abord de façon mesurée, sous couvert d’humour ou de second degré, pour devenir de plus en plus appuyé.
Puis, le pervers narcissique joint le chantage émotionnel à la critique pour obtenir toujours plus de sa victime. Au fur et à mesure, il va l’attaquer de plus en plus frontalement, en s’appuyant sur des jugements sérieux et sévères. La victime est bousculée de son piédestal, jusqu’à passer pour quelqu’un de totalement inférieur.
Et il va s’en prendre bien plus qu’à ses qualités : c’est à sa personnalité toute entière et à ce qu’elle a de plus profond et de plus cher auquel il veut s’attaquer. L’objectif est la destruction complète de sa cible. Par exemple, sa générosité sera travestie en défaut ridicule à ses yeux : « Tu es trop gentille, tu te fais avoir tout le temps, tu es une idiote ! ». « Si tu pouvais arrêter avec tous tes bisous et câlins, tu me maternes comme un enfant, ça m’énerve ! ».
Sortir du déni de soi
Le dénigrement d’un pervers narcissique aboutit à obscurcir complétement tout sentiment d’identité solide chez ses victimes. Bien souvent, elles cachent le malaise que leur inspire cette situation toxique par le déni : déni de ce qui leur arrive et déni d’elles-mêmes nourri par la culpabilité.
Sortir de cette impasse nécessite de l’aide et peut prendre des années. Le soutien d’un psychologue spécialiste de la perversion narcissique est un bon appui. Les proches qui ont été circonvenus par le pervers n’étant pas souvent, du moins au départ, forcément capables de comprendre ce que les victimes endurent.
Le renversement
L’identification projective du pervers narcissique, c’est ce petit jeu qu’il joue pour inverser les rôles, soit s’attribuer le rôle de la victime en renversant les tords sur son partenaire, qu’il accuse d’être son bourreau. Pour effrayant qu’il soit, ce mode de fonctionnement est identifié en psychologie comme un mode de défense psychique émanant d’une personnalité pathologique.
L’identification projective en psychanalyse
L’identification projective du pervers narcissique est à l’œuvre chaque fois qu’il opère des retournements de vérité. C’est un procédé psychanalytique dans lequel on parle d’identification, puisque c’est la personne propre qui est projetée sur l’autre et de projection puisqu’il s’agit du rejet à l’extérieur de ce que l’individu refuse en lui, la projection du mauvais.
Pourquoi faire cela ? Parce que contenir sa souffrance en soi est insupportable, alors je m’en échappe en la jetant au visage d’autrui. Comme l’explique la psychanalyste Chantal Wagner : « Organisé sous un mode narcissique déficitaire, le Moi pervers lutte contre une menace d’effondrement via les procédés du déni et de l’expulsion projective de ses rejetons psychiques les plus toxiques. »
Ce qui se cache derrière tout cela, c’est qu’il est impossible au manipulateur narcissique de voir en lui la moindre faiblesse qui porterait atteinte à son narcissisme : cela lui fait vivre un enfer. Dès lors, la relation fusionnelle où il va pouvoir exporter chez l’autre toutes ses pulsions indésirables lui est indispensable. S’il souhaite ne « faire qu’un » avec sa victime, c’est pour une bonne raison : il sera la meilleure partie du tout, et l’autre sera la mauvaise, la fautive.
L’autre devient la poubelle psychique du pervers.
L’identification projective fait partie de ce que l’on nomme les mécanismes de défense du pervers. Elle puise sa source dans son manque d’altérité et dans un certain sentiment de persécution. C’est un mécanisme psychique courant que l’on retrouve dans certains types d’organisations marqués par la paranoïa : les sectes ou les familles toxiques, où l’on crée un « enfant symptôme » que l’on charge de devenir fou à la place des autres.
Le renversement de la souffrance dans la manipulation perverse
Tous les maux dont les pervers narcissiques abreuvent en permanence leurs victimes ne sont donc que les fruits d’identifications projectives. En rejetant sur l’autre leur agressivité, ils font souffrir au lieu de souffrir et se dédouanent au passage de leurs responsabilités. Ils peuvent alors se faire passer pour de blanches colombes et se draper dans leur dignité outragée. Ils crient qu’on les exploite, qu’ils servent de bouc-émissaires, se plaignent d’être manipulés, incompris, maltraités… Dans la réalité du quotidien, les propos suivants s’observent couramment :
« J’en ai assez d’être l’objet de tes sauts d’humeur » ;
« C’est toujours moi le responsable de tout dans cette maison » ;
« C’est moi qui fais toujours tout mal » ;
« Tu ne fais jamais l’effort de me comprendre » ;
« Tu ne fais que de me mentir, je le sais bien ».
Identification projective du pervers narcissique
Pour mieux comprendre le phénomène, on peut voir le pervers narcissique comme un grand projectionniste qui a besoin de vivre dans l’apparence de son propre reflet. Sa victime est donc choisie au départ comme objet d’élection narcissique qui ne compte à ses yeux qu’en tant que tel.
Elle sera pour lui le prolongement de sa propre image et servira à donner vie à celle-ci. Or, il a besoin pour cela de victimes qu’il envie pour leur vitalité « saine », celles avec qui inverser les rôles lui promet un gain de narcissisme intéressant. Tout se passe comme si, à travers le reflet faussé de l’identification projective, écraser son partenaire prend valeur pour lui d’un rachat de virginité.
L’identification projective est certainement pour cela indispensable au manipulateur du point de vue de son « alimentation « narcissique », lui permettant de se sentir, l’espace de l’instant où elle intervient, l’égal de cette victime qu’il envie et hait à la fois.
On parle de façonnage pervers de la victime, au sens où le pervers manipulateur a besoin de lui nier toutes ses spécificités propres pour la façonner sur son propre psychisme et faire d’elle son objet. L’étape suivante sera son contrôle, afin de pouvoir l’exploiter entièrement à son seul bénéfice narcissique.
Projection et manipulation mentale
L’identification projective chez le pervers narcissique a pour conséquence une communication clivée axée autour du système : « C’est pas moi, c’est l’autre ». Ce renversement de valeurs est déstabilisant et vise à instaurer la culpabilité chez les victimes. La confusion mentale est à son comble quand le manipulateur va manipuler la parole à son profit, multiplier les mensonges, les injonctions paradoxales et les invraisemblances. En expulsant sa dépression et les conflits internes qu’il tente d’esquiver, le pervers narcissique instaure une communication qui rend les autres fous.
Cette manipulation est d’autant plus dangereuse qu’elle n’est pas massive au départ, mais prend forme par petites touches dans la relation pour devenir progressivement une habitude.
Ce qui s’opère, c’est le transfert du mode de pensée du pervers à sa victime. Il tente de lui faire perdre pied progressivement en faussant ses repères par des renversements de valeurs continuels.
Les victimes qui succombent sont peu à peu privées de leurs facultés psychiques : discernement, capacités de réaction, sens critique…. Tout ce qui faisait la force de leur personnalité s’émousse. Petit à petit, elles s’effacent au profit du pervers pour échapper aux conflits intérieurs qu’il fait naître en elles. Difficile, en effet, d’accepter décemment le système de valeurs qu’il leur propose, sans déroger à leurs propres valeurs. La confusion qui en résulte aboutit à une véritable violence psychologique qui peut mener à des comportements pathologiques et à de gros troubles psychiques comme la dépression ou le suicide.
L’identification projective est donc chez le pervers narcissique, une technique de manipulation destinée à posséder entièrement sa victime en faisant d’elle ce qu’elle n’est pas : son propre reflet. Pour effrayante qu’elle soit, elle a le mérite de mettre en lumière le vrai mode relationnel destructeur du manipulateur narcissique. Pour employer une métaphore physique, il est comparable à une force non consciente, mais orientée pour absorber la conscience d’autrui, comme un vaste trou noir qui absorberait les étoiles avoisinantes. La seule solution est de partir le plus loin possible et de couper toute attache.
L’isolement
La séquestration psychologique ou l’isolement de la victime, est une étape essentielle dans un processus de mise sous emprise. Elle revêt un caractère stratégique et reste l’indice qu’un pallier de plus se franchit dans la manipulation. Car c’est en la coupant de toutes ses bases, qu’un manipulateur narcissique s’arroge les pleins pouvoirs dans la vie de sa victime.
Isolement et manipulation en psychologie
En organisant la séquestration psychologique de sa victime, le pervers narcissique en fait sa chose. « Elle est à moi, rien qu’à moi » pourrait-il dire, comme un jeune enfant pourrait le faire à propos de l’un de ses joujoux ! D’où le parallèle psychanalytique avec le syndrome de toute-puissance où, livré à lui-même, l’enfant s’octroie les pleins pouvoirs sur le monde.
À son instar, l’adulte pervers narcissique se croira tout permis avec sa victime et lui dictera sa loi. Ici, l’enfant et l’adulte fantasment une réalité où les objets leur appartiennent et où tous les droits sur eux leur sont permis. La victime est donc un objet qui n’aura pas dépassé le concept de jouet chez le pervers narcissique, qui ne la reconnaît pas comme personne.
Séquestration psychologique et emprise
La séquestration psychologique de la victime intervient lors d’une phase précise du mode opératoire pervers. Elle se joue au moment de l’envahissement de la vie de la victime, qui intervient après la phase de séduction, lorsque la dépendance affective est installée, et avant la phase finale de destruction. Il s’agit donc d’un moment clé, d’un moment charnière, où l’emprise psychologique va fortement s’intensifier. Elle est nécessaire à son agresseur à plus d’un titre :
- elle le rassure que personne ne lui ravira la proie avant la phase finale de destruction, un peu à l’image des grands fauves dans la jungle qui se cachent pour festoyer ;
- pour jouir de l’impunité et du secret d’une vie conjugale pour perpétrer ses agissements : insultes, sévices psychologiques, maltraitances…
- et pour que personne ne découvre sa nature violente et ne jette à bat le masque qu’il porte en société.
Pour être efficace, la séquestration psychologique s’organise en 2 volets. Il s’agit d’annexer la victime sur le terrain de sa vie physique (confinement, éloignement) et sur le terrain de son individualité en la clivant des autres. Pour cela, le pervers agira simultanément sur son environnement (en provoquant un déménagement, en l’invitant à quitter son travail ou à arrêter des études) et sur son entourage en commençant à se débarrasser discrètement de ceux qui l’encombrent.
Lorsqu’il isole physiquement sa victime, ce n’est donc pas sans exercer parallèlement sur elle un redoublement de violences psychologiques afin d’accentuer sa domination au sein du couple. La séquestration psychologique s’article pour cela aux autres techniques de manipulation que nous avons déjà exposées sur ce site : dénigrement, identification projective et verrouillage psychologique. La perte d’estime de soi, de valeurs personnelles et de discernement qui résultant de ce harcèlement et des violences répétées vont pétrifier la victime, la priver de toute réaction salutaire, de manière à ce que le piège se referme sur elle incognito.
Comment s’organise l’isolement
Un pervers narcissique ne peut soustraire une victime à toute vie sociale et à l’attachement des siens du jour au lendemain. Comme dans toute manipulation, la séquestration psychologique est planifiée sur le long terme et aura extérieurement, toutes les apparences de la normalité.
Sur le plan spatial et temporel
Le pervers narcissique ne va pas chercher à isoler sa proie avant d’avoir pris soin de la séduire. De là, il lui sera facile de l’entraîner dans une vie de couple où il pourra s’octroyer les pleins pouvoirs. C’est donc au moment de l’installation d’une vie commune que s’orchestre habilement l’isolement d’une victime. Il s’agira de la couper de son environnement familier, mais aussi de la priver de toute ressource personnelle qui favorisait auparavant son indépendance ou son épanouissement. Cela passe souvent par l’abandon de certaines habitudes, de certains loisirs, et par la privation de toute autonomie financière. Il va s’agir souvent de l’inviter à se tourner vers son foyer pour s’occuper de son conjoint et de sa future progéniture. Et les victimes n’y trouvent rien à redire, car cela leur est présenté comme le besoin de les protéger, dans le souci de leur bonheur à elles…
Sur le plan de l’entourage
Rapidement, le pervers narcissique qui isole sa victime va redessiner les contours du cercle social du couple. Il s’agira pour lui de ne garder que ceux qui lui seront utiles et d’éliminer les autres. Quels sont les premiers ? Tous ceux qu’il peut séduire, notamment la famille. Pour ceux-là, il emploie peu ou prou les mêmes moyens qu’il a employés avec la victime : il cerne leurs failles afin de devenir pour eux l’élu, celui qui comblera leurs manques profonds. Pour cela, il ne sera pas avare de cadeaux et d’attentions, ce qui lui permet souvent de conquérir sans problème le cœur de chacun. Le résultat de ce charmant tableau est désastreux pour la victime qui ne pourra parler de la maltraitance psychologique et des violences subies aux siens. Personne, en effet, n’arrivera à la croire, et ira même souvent jusqu’à penser, que le problème est de son côté.
Les amis ou proches collègues par contre, poseront des problèmes au manipulateur. Plus difficiles à cerner que la famille, et peut-être plus perspicaces dans bien des cas, ils sont souvent dans son viseur. Mais il sait très bien jouer sur l’intimidation et manipuler sa victime pour les éloigner, notamment par le chantage affectif et en s’érigeant en sacro-sainte victime :
« Je ne veux plus aller dîner chez tes amis. Tu as vu comment ils me traitent ? Ils n’arrêtent pas de me juger alors qu’ils ne me connaissent pas. J’ai bien vu qu’ils ne m’aimaient alors que je ne leur ai rien fait ! »
Si cela n’est pas suffisant, il exerce d’autres pression psychologiques, telles que menacer « c’est eux ou moi », ou orchestrer des complots et des brouilles, à coups de mensonges éhontés qui exploiteront finement les faiblesses et les susceptibilités de chacun.
Au final, la victime se retrouve seule, Elle vit dans la réclusion au domicile conjugal, où elle s’isole elle-même. Privée des autres, elle s’enferme dans un silence coupable. Toutefois, cette mise-à-pied lui permet d’éviter les jugements désapprobateurs de ses proches sur sa difficulté à gérer cette relation infernale. Elle met aussi un mouchoir sur un dilemme impossible : lui ou eux.
Lire aussi : le pervers narcissique, un animal social et guide de survie face au PN
Le verrouillage
Verrouiller… L’entreprise du pervers narcissique n’est-elle pas, là, résumée ?Enfermer sa victime à double tour et avaler la clef. L’emprisonner, verrouiller la serrure.
Verrouillage psychologique et manipulation
Le verrouillage psychologique est l’une des multiples techniques manipulatoires qu’un pervers narcissique utilise pour maintenir sa victime dans une véritable dictature psychologique.
D’une part, il sert à la mise sous emprise et correspond à l’étape où il décide de s’accorder les pleins pouvoirs.
D’autre part, le verrouillage psychologique figure aussi un mécanisme de défense nommé clivage en psychanalyse. Autrement dit, le pervers se divise en lui-même en « culpabilité » et « plaisir de détruire ». Incapable de ressentir la moindre culpabilité, il mise tout sur le second versant, le plaisir de la destruction. Et pour détruire, il faut mettre sa proie sous sa domination, la verrouiller donc.
En grand séducteur, il va manier pour cela le verbe, terrain où il montre généralement de brillantes aptitudes. Comment ? En piégeant la victime par le discours et en l’enfermant dans ses propres contradictions. Il l’use ainsi en vaines rhétoriques où il a toujours le dernier mot :
« Tu crois ta meilleure amie quand elle te dit que tu devrais me quitter, car je suis un manipulateur, mais je te signale que tu es libre de partir, vas-y, quitte-moi si tu veux ! Si tu la crois vraiment, qu’est-ce que tu fais encore là avec moi ? ».
Un verrouillage psychologique s’installe parce que la victime est confuse et commence à douter d’elle-même. Le pervers manipulateur n’hésitera pas en plus à jouer sur ses propres valeurs qu’il sait très bien retourner contre elle. Les effets de cette manipulation dépassent la simple confusion pour aboutir à une sorte de sidération et de prostration. La victime ne sait plus qui elle est elle-même, puisque ses pensées ne lui appartiennent plus. L’impact psychologique est très fort : sa dépendance au pervers devient totale.
Le double bind ou la double contrainte
On peut inclure dans le verrouillage psychologique, la pratique du message paradoxal, le fameux « double bind » des anglophones, que l’on appelle aussi le discours à double contrainte. Il désigne les propos où l’on dit une chose, pour en faire comprendre une autre, comme un : « Je te remercie » dit d’un ton ironique. Il peut s’agir aussi de donner des ordres absurdes ou formuler des demandes impossibles : un pervers narcissique peut s’ingénier à demander à sa victime : « Je voudrais que tu fasses ceci, mais je voudrais que cela vienne de toi, et pas parce que je te le demande ! » Si l’autre le fait, cela lui sera reproché et s’il ne le fait pas, cela lui sera reproché quand même.
Le message paradoxal est un écueil de la communication que le pervers manipulateur utilise à ses propres fins. Il lui sert à écraser froidement sa victime et à contrôler ses affects, afin de rétablir sa toute-puissance dans le conflit. Quelle que soit la façon dont elle s’y prenne, elle sera toujours en tords, car dans tous les cas, elle est manipulée.
Alors comment parler avec un pervers narcissique ?
Le verrouillage psychologique ou le « double bind » sont des pratiques manipulatoires qui ponctuent la communication du pervers narcissique. Ils illustrent parfaitement que ce personnage refuse tout processus de communication réel, préférant lui substituer une relation de toute-puissance où il a plaisir à contrôler sa victime pour faire d’elle son objet.
Le verrouillage rentre donc dans ce jeu et correspond à une vraie manipulation émotionnelle. La violence psychologique naissant pour la victime, du fait que ses tentatives d’expression et sa souffrance soient étouffées, ignorées, comme un raccourci qui lui signifie : « Tu n’existes pas ».
C’est là un signe distinctif de la communication perverse, qui s’attache à transformer le besoin de s’exprimer de la victime, en arme qui servira à la bâillonner. Le pervers narcissique possède une spécialité pour cela : la fuite de toute communication directe et des problèmes à résoudre. Et il emploie à ce titre, toujours les mêmes moyens.
- Le premier est d’user d’un langage volontairement flou, invérifiable, qui sème le doute et trouble immanquablement la conscience des victimes. Il sait aussi avoir recours à toutes sortes de stratégies, comme changer de sujet, répondre à côté de la question ou se mettre soudain à parler au téléphone avec une autre personne. En grand menteur pathologique, il jongle aussi avec les mensonges, prétendant avoir dit noir, alors qu’il a dit blanc, pour finir par prétendre qu’il n’a rien dit du tout.
- Il déforme ensuite systématiquement les propos de ses victimes, leur prêtant toujours les pires intentions.
- Il aime par-dessus tout brouiller les pistes, de façon à ce que l’autre ne comprenne même pas son discours. Il n’hésitera pas pour cela à faire étalage de termes savants (même s’il les invente), où il noiera son auditoire, de manière à faire naître un certain sentiment d’infériorité qui coupera court à toute réplique.
- L’un de ses stratagèmes les plus redoutables est de se poser en victime, avec le renversement des rôles et le travestissement de la vérité. Les victimes s’engluent en général dans la culpabilité et perdent leurs convictions et leur discernement.
Il faut savoir que la communication d’un pervers narcissique avec sa victime s’alimente de cette osmose qu’il a créée avec elle eu départ, et qui, inconsciemment, lui a permis d’identifier ses failles narcissiques. Il bâtit ensuite sa communication avec elle sur cela, en créant une forme de langage qui appuiera là où cela fait mal. Cette communication est souvent comprise par les seules victimes, car elle n’est pas constituée de mots clairs, mais d’inductions, de silences et de lourds sous-entendus qu’elles subissent au niveau émotionnel.
Verrouillage, double bind, messages non-verbaux : en réalité, rien n’est jamais clair dans la communication d’un pervers narcissique. Les victimes ont au final tout intérêt à rester silencieuses pour ne pas lui révéler d’arguments qu’il utilisera à leur détriment. Communiquer ne sert chez lui qu’à manipuler.
La dévalorisation
La dévalorisation dans le couple est un signal d’alarme, à la fois pour la personne en proie à l’infériorisation et à la fois pour la relation. Dans le cas du rapport entre le pervers narcissique et la personne-objet de son emprise, l’autodépréciation de la victime de manipulation va de pair avec le dénigrement qu’elle subit la part de son bourreau. Déceler les mécanismes qui poussent à se dévaloriser, c’est un premier pas vers l’affranchissement salutaire. Étudions ce phénomène du rabaissement de soi pour mieux le comprendre.
D’où vient la dévalorisation de soi ?
L’autodévalorisation est en réalité un problème de confiance en soi. Elle se traduit par des phrases et des pensées rabaissantes qui portent atteinte à sa propre personne ou à ses compétences. Le sujet se qualifie par des adjectifs durs emprunts de jugement de valeur, entre le “trop” et le “pas assez”. “Je suis nulle”, “Je n’y arriverai pas seule”, “Je suis trop vieille / grosse / stupide / maladroite” sont des phrases récurrentes dans la bouche des personnes souffrant d’hyponarcissisme. L’origine de ce mal-être est, le plus souvent, très ancienne.
Bourreau et victime ont un point commun : la blessure affective
À la base, le manipulateur pervers et sa victime partagent un même fardeau, hérité du passé : la faille narcissique. Celle-ci prend sa source dans le sentiment de manque d’amour qui abîme la perception que l’on a de soi-même et instaure une insécurité éprouvée. Le sujet en déficience narcissique cherche alors constamment des moyens de réassurance sur sa valeur et donc, des preuves qu’il est digne d’être aimé. Cette mauvaise estime de soi prédispose à la dépendance affective (dont se nourrit le PN) ou bien, dans les cas les plus graves, au recours chronique à la manipulation perverse.
Deux façons de gérer la faille narcissique : la réparer ou l’agrandir
Dans le cas du prédateur affectif, la brèche sentimentale est si grande qu’il peut seulement la supporter par l’impression de puissance procurée par la destruction de l’autre. C’est pour cela qu’on parle de “vampiriser sa proie”. Celle-ci est considérée comme un objet aidant son utilisateur à parvenir à satisfaction : la réhabilitation momentanée de son narcissisme défaillant. Pour la victime manipulée, si elle se trouve sous l’emprise de la personnalité machiavélique, c’est bien souvent parce que son narcissisme a, lui aussi été atteint à un stade précoce de son développement. En général, ces jalons se posent durant la petite enfance, par une figure parentale dépréciatrice, toxique ou dans l’autoflagellation, et évoluent selon les diverses expériences psychiques, corporelles et relationnelles vécues. Mais les techniques de soumission utilisées par les pervers manipulateurs sont des agressions répétées envers l’identité-même de sa proie, ayant pour effet d’endommager davantage et sans relâche l’image déjà dégradée qu’elle a d’elle-même. Ainsi, privée de repères et assaillie par le doute permanent sur les fondements de sa propre valeur identitaire, elle finit par participer, elle aussi, à sa dévalorisation. La blessure narcissique ne fait que s’agrandir, ce qui rapproche le PN de son but : l’anéantissement de sa victime.
Finalement, la différence entre les deux profils défaillants narcissiques pris dans un cercle vicieux réside dans l’action de nuire soit à autrui (pour le PN), soit à soi-même (pour la victime).
Que cache la dépréciation de soi ?
En vérité, il existe plusieurs manières d’interpréter les manifestations verbales (ou non verbales) dévalorisantes d’un manque d’estime de soi. Souvent taxés à tort de masochisme ou de faiblesse de caractère, les sujets enclins à la dépréciation d’eux-mêmes sont mal perçus par l’entourage, ce qui ne fait qu’amplifier le phénomène d’autodénigrement.
L’appel à la réassurance
Derrière la complainte et les phrases assassines que l’hyponarcissique s’inflige, il y a surtout une demande de réconfort. Le plus souvent, il faut voir au-delà du postulat “Je ne suis pas assez bien”, un désir profond d’être contredit. La victime du pervers narcissique espère créer chez son bourreau un instinct parental protecteur qui viendrait apaiser cette “crise”, sous-tendant un état dépressif. Seulement, ce réflexe altruiste n’existe pas chez le manipulateur affectif totalement dépourvu d’empathie. Il y verra, au contraire, l’occasion rêvée de rabaisser une fois de plus sa proie dans un moment de fragilité émotionnelle. Ainsi, se dévaloriser face à son tortionnaire psychologique, c’est se mettre encore plus en danger.
Le choix d’exister malgré tout
De manière plus subtile, il arrive que l’autodévalorisation cache un soubresaut d’affirmation de soi. Aussi désespéré que cela puisse paraître, c’est assumer le choix d’être “nul” plutôt que de n’être “rien”. En somme, il s’agit là d’une protection contre l’indifférence, parfois vécue comme encore plus douloureuse que la violence elle-même.
C’est aussi, chez les victimes de PN, une façon de s’approprier leur dénigrement. Elles le font elles-mêmes, pour ne pas avoir à l’endurer de la part de leur bourreau. Cette étape, dans un processus qui s’apparente à une escalade vers l’autodisparition du moi (ou le narcissisme négatif, selon le psychiatre et psychanalyste français André Green), semble évidemment inquiétante. Pourtant, elle peut révéler en réalité un signe défensif positif indiquant une volonté de se révolter contre la tyrannie subie.
Le désengagement dans la dévalorisation
L’autodépréciation envoie des signaux incontestablement négatifs et vise le plus souvent à provoquer une réaction d’opposition. Mais il arrive que l’effet recherché relève purement et simplement d’une déresponsabilisation. Pourquoi se démener, puisque tout ce que l’on entreprend est voué à l’échec ? Ce positionnement révèle finalement une demande masquée de prise en charge, comme si avouer sa propre incapacité autorisait le sujet à se désengager de ses responsabilités, le maintenant dans la victimisation. Si cela peut sembler confortable de prime abord, c’est un mécanisme défensif inquiétant chez les personnes sous le joug d’un PN. En effet, ce détachement sous-tend une sorte de renoncement à soi-même et, par extension, une perte de sens de la vie, signe que la dépression est probablement en train de s’aggraver et qu’il est urgent de se faire aider.
Comment sortir du cercle vicieux de l’auto-dévalorisation ?
Nous avons vu que la dévalorisation de soi face à un pervers narcissique ne faisait qu’alimenter son projet global de vider la victime de sa joie de vivre. Mais même si ce sentiment négatif qu’une personne peut avoir à sa propre encontre est exprimé à un tiers bienveillant, ce ne sera pas une solution.
La revalorisation de soi vient de l’intérieur
Bien sûr, quiconque pourvu d’un minimum d’empathie essayera de redorer le blason du plaintif, mais son soulagement ne sera que temporaire. En effet, l’estime de soi est une quête personnelle et intérieure qui apportera des résultats durables d’autant plus qu’elle se fera avec l’accompagnement d’un thérapeute professionnel.
Pour la victime de pervers narcissique, la reconquête de la confiance en soi ne pourra s’opérer qu’une fois le joug du manipulateur définitivement aboli. Ce sera un élément de reconstruction crucial qui garantira de futures relations de couple plus saines et épanouissantes. C’est pourquoi il est important de s’y consacrer pleinement.
Rééduquer ses pensées vers le positif
Casser les schémas négatifs de pensée pour générer un cercle vertueux vers la valorisation de soi passe par des étapes simples. Elles mettent pourtant un certain temps à être intégrées, surtout chez les personnes présentant un syndrome de stress post-traumatique (PTSD) après leur rupture avec un PN.
Il s’agit de réapprendre à être honnête et cohérent avec soi-même et avec les autres. Pour cela, il faut :
- exprimer ses idées et ses envies de façon intelligible, sans crainte de leur interprétation ;
- bannir les non-dits, surtout s’ils relèvent de la peur du conflit ;
- reconnaitre les autres pour ce qu’ils sont (leur valeur, leurs opinions) et non pour ce que l’on projette sur eux ;
- respecter la place de chacun dans la relation, sans en faire un enjeu de pouvoir ou de domination.
Si la dévalorisation est un élément clé de l’entreprise destructrice du PN sur sa victime, elle n’en reste pas moins une affaire purement personnelle. Elle part d’une souffrance affective et se résout par une reprise de confiance en soi. Pour mener à bien cette transformation salvatrice, il faut se défaire des influences extérieures néfastes et s’entourer de personnes bienveillantes. Pour cela, rien de mieux qu’un professionnel spécialiste des pervers narcissiques qui saura prendre la victime en charge et la remettre sur la voie d’une vie meilleure.