Peut-on dire que les sites de rencontres « mâchent » le travail des pervers narcissiques ? Oui, on s’en doute un peu, tant les caractéristiques même de la relation virtuelle semblent propices à l’instauration d’une manipulation mentale. La dissimulation possible, la multiplication des contacts et le semi-anonymat sont du pain béni pour les pervers narcissiques sur les sites de rencontres. Comprendre comment ils opèrent est donc, à ce titre, une vraie démarche préventive lorsque l’on recherche l’amour virtuel.

Le manipulateur sur les sites de rencontre

La relation amoureuse par écrans interposés possède ce trait singulier de se vivre d’abord « dans la tête » avant de prendre corps, éventuellement, dans la réalité. Or, sur le plan psychologique, toute relation élaborée sur le plan du fantasme, sans vraie rencontre de l’autre, passe par une déformation de l’image de soi et de la réalité. Partant de là, on devine déjà toute l’ampleur de la marge de manœuvre des pervers narcissiques sur les sites de rencontres.

L’écran est déjà en soi une véritable aubaine. Il permet non seulement de se cacher, mais aussi de se mystifier. Les fausses photos ou les citations d’autres personnes récupérées à son compte sont des pratiques courantes des pervers narcissiques sur les sites de rencontres.

Pour eux, l’espace virtuel est un terrain de jeu, où la multiplicité des relations leur procure un sentiment de puissance et de jouissance.

Les pervers narcissiques les accumulent et ne donnent d’ailleurs pas nécessairement suite à toutes.
Ils étudient ensuite scrupuleusement le profil de leurs victimes. Ils n’hésitent pas à prendre des notes et à accumuler des fiches pour prendre le temps de mieux les approcher. Ces fiches leur servent aussi, par ailleurs, à ne pas se retrouver noyés au milieu de toutes leurs relations.

Les pervers narcissiques sur les sites de rencontres axent leur conquête avant tout sur le terrain psychologique. Ceci explique qu’ils font souvent tarder la vraie rencontre. Ainsi, ils ont déjà assis une emprise sur l’autre lorsque celle-ci se produit. Ils nourriront alors assez rapidement un discours dénigrant vis-à-vis d’elle. Ils diront à leur victime : « Pourquoi as-tu voulu qu’on se rencontre, je n’y tenais pas, tout est de ta faute ! ». Un discours qui révèle bel et bien qu’ils ont dupé leur victime. Mais il est trop tard pour elle, car elle est déjà éprise.

La séduction – Pervers narcissique et sites de rencontres

Une relation virtuelle est pas nature incomplète et discontinue. Selon la pression que leurs propres besoins affectifs exercent sur eux, les individus ont tendance à remplir les cases vides par les projections de leurs propres désirs. C’est là que s’amorce l’avantage d’un manipulateur pour séduire sur un site. Car lui, qui est déjà expert dans cet art, se voit proposer un public particulièrement réceptif ! De fait, ce qui caractérise la quête amoureuse virtuelle est l’idéalisation du partenaire quand le manipulateur narcissique excelle à se présenter sous les traits de la perfection.

Plus le besoin des individus de se faire aimer est grand, plus ils seront enclins à se laisser emporter par leurs désirs et la force de leurs projections. Le narcissisme du manipulateur stimule, en quelques sortes, les facultés imaginaires créées par le manque. Les relations virtuelles ouvriraient-elles un boulevard aux pervers narcissiques sur les sites de rencontres ? Oui, si l’on considère qu’elles favorisent la rencontre d’un désir idéalisé d’une part, et son reflet narcissique d’autre part.

On peut y voir là le grand danger de la relation virtuelle qui porte souvent sur une double illusion. Celle de qui est l’autre, mais aussi celle de soi. En se projetant dans cette relation auprès d’un être idéalisé, la victime ignore à qui elle a affaire, car elle tente aussi de se fuir.

L’emprise

Cette étape va suivre la séduction, car un manipulateur pervers ne se contente pas d’éblouir son auditoire, il cherche avant tout à asseoir une emprise. C’est là que le virtuel avantage encore les pervers narcissiques sur les sites de rencontres. Pour convaincre ses victimes de leur sincérité, ils ont besoin de gagner leur confiance en cernant au plus près leur personnalité. Or, un site leur laisse à cet égard bien plus de temps en matière d’analyse et de réflexion. Il leur donne aussi plus de latitude pour soigner leur langage et trouver les mots qui vont subjuguer.

C’est là chose aisée car la quête de l’amour accroit  les confidences sur les sites où certains et certaines vont s’épancher sur leur passé et leur fragilité. Or, c’est là livrer à un prédateur narcissique ce qu’il attend : la faille narcissique par laquelle il attend de vous piéger. Car le besoin d’aimer et d’être aimé crée déjà, même derrière un écran, la faculté de voir en l’autre son sauveur.

Créer ensuite la dépendance affective est un jeu d’enfant. En effet, une correspondance virtuelle est faite de messages espacés créant une tension et le manque.  Il existe un langage codé de la relation virtuelle distante, qui consiste à jouer avec les silences et l’addiction à l’écran.

À cette étape, les outils numériques vont aider aussi les pervers narcissiques sur les sites de rencontres à manœuvrer tout en douceur.

La barrière de l’écran est providentielle, car elle prive les victimes des indices d’une rencontre physique. Elles ne ressentent pas cette vague impression de malaise que beaucoup évoquent souvent, ou cette perception d’un grand vide et d’une certaine cruauté dans le regard de leur partenaire. La voix est aussi laissée de côté, de même que le langage corporel ou les petits tics qui pourraient susciter une méfiance.

Pour conclure, rappelons que trouver l’amour sur un site de rencontres nécessite de trouver en soi les moyens de faire émerger une vraie relation du fantasme. La solitude amplifie le versant émotionnel et imaginaire de l’histoire, terrain de jeu privilégié des prédateurs narcissiques. Cet aspect rend indiscutablement la relation virtuelle dangereuse pour les personnes vulnérables. Se connaître est donc un préambule pour ne pas tomber dans les pièges d’un pervers manipulateur et ne pas perdre pied sur le terrain parfois miné de l’amour virtuel.

A lire aussi : “L’@mour au coin de l’écran, du fantasme à la réalité” de Pascal Couderc et Catherine Siguret, paru chez Albin Michel.

Sur le blog : les témoignages de Julie et de Déborah.