Karma du PN : comment se passera le retour de bâton ? `
Le karma du PN répond à une croyance bien ancrée dans les mentalités, selon laquelle tout acte porte aussi à conséquence sur celui qui l’a commis. Cette supposée loi divine ou cosmique se chargerait ainsi de maintenir un équilibre entre le bien et le mal, là où la justice des hommes fait parfois défaut. En effet, nous savons que, souvent, les victimes de perversion narcissique sortent de leur situation de contrôle coercitif bien plus lésées que leurs bourreaux, du moins, dans un premier temps. Malgré tout, cette attente de retour de bâton au persécuteur participe activement à la reconstruction identitaire des personnes qui veulent se relever de cet épisode de vie traumatisant. La roue tourne-t-elle toujours pour les manipulateurs sentimentaux ? Voici quelques réflexions psychologiques sur un thème mystique.
Sommaire
Qu’est-ce que le karma ?
Le karma du PN (et de quiconque, par la même occasion) est un concept issu des traditions spirituelles et religieuses venues d’Inde, notamment l’hindouisme, le bouddhisme et le jaïnisme. Il postule l’existence d’une loi de cause à effet, selon laquelle nos actions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, influencent notre avenir. Les répercussions peuvent apparaître à court terme ou bien survenir bien plus tard dans cette vie et, pour ceux qui croient en la réincarnation, nous poursuivre dans nos futures vies. C’est ce que l’on appelle communément la dette karmique.
Ainsi, selon la loi du karma, chaque acte, pensée ou parole génère une énergie qui finit par revenir à l’envoyeur de manière décuplée et selon la polarité dans laquelle elle est née, c’est-à-dire sous une forme positive ou négative. Une action bienveillante engendrerait des résultats bienfaiteurs, tandis qu’une action nuisible provoquerait des conséquences néfastes.
Dans une perspective plus contemporaine et occidentalisée, parfois dépouillée de sa dimension spirituelle, le terme de “karma” est souvent utilisé pour désigner le fait que tout acte porte à conséquence, et particulièrement les plus délétères. De fait, on en oublie un peu vite le versant d’incitation à adopter un comportement vertueux. Ainsi, on invoque le karma dans sa valeur punitive, comme on dirait autrement à quelqu’un “bien fait pour toi, tu l’as bien cherché” dès lors qu’il a mal agi et qu’un déboire s’ensuit. C’est cet aspect réparateur et vengeur qui nous intéresse ici, car c’est sur ce point que devrait porter le karma du PN. C’est ce que souhaitent voir s’appliquer de nombreuses victimes que nous recevons en consultation psychologique.
Pourquoi le PN semble échapper à son karma ?
Malgré tout le mal qu’ils causent, tous les péchés qu’ils commettent, les pervers narcissiques semblent toujours se sortir des situations tendues avec les honneurs. On dirait qu’ils échappent à toute forme de justice, celle des hommes comme celle des sphères immatérielles. Comment expliquer cette impression ?
Le magnétisme et tout ce qui vient avec
Les manipulateurs pervers narcissiques jouissent d’un pouvoir séducteur qui subjugue. Grâce à cette capacité de faire immédiatement bonne impression, ils jouent sur l’effet de halo. Il s’agit d’un biais cognitif, c’est-à-dire un raisonnement qui consiste à faire des raccourcis dans notre cerveau afin de faciliter la prise de décision, quitte à faire des erreurs. Ainsi, selon cet effet de contamination, quelqu’un qui vous paraît favorable pour un aspect spécifique vous semblera disposer également d’autres atouts que vous lui octroierez vous-même. C’est pour cela qu’une personne au physique agréable et à la tenue irréprochable pourra en plus vous apparaître sérieuse, fiable, sympathique, compétente et, par-dessus tout, innocente. À l’inverse, un individu à l’apparence négligée pourra vous évoquer la bêtise, la laideur, l’air suspect, la méchanceté, la malhonnête, etc. Une fois ces étiquettes collées, il est très difficile de s’en défaire et le manipulateur le sait bien. Grâce à son charme indéniable, il pourra donc s’attirer les faveurs de nombre de personnes et en fera ses véritables complices, ce qui garantira son impunité. En clair, ce ne sont ni sa belle aura lumineuse ni sa baraka qui le préservent d’un retour du karma, c’est sa pure compétence manipulatoire.
L’absence de conscience morale
On ne peut pas dire que les PN brillent par leurs vertus et surtout pas par leur sens éthique. Or, pour craindre le karma, il faut avoir conscience du bien et du mal. C’est par ces notions que l’on éprouve des remords pour ce que l’on a fait de répréhensible et que l’on se rend compte de l’importance de la responsabilité de ses actes. Avec ce processus vient généralement la volonté de réparer son forfait et à accepter un éventuel châtiment, pourquoi pas, divin. Une personne dont la seule empathie est toxique et qui fait de l’inversion accusatoire un principe de vie n’a pas ces valeurs. Même s’il ne lui arrive pas que du positif, il n’a aucune chance de relier les événements moins favorables à un quelconque retour de bâton pour ses agissements antérieurs.
La toute-puissance
Pour qu’un PN croie au karma, il faut qu’il abandonne sa grandiloquence. En effet, cela revient à admettre que des principes supérieurs dépassent sa capacité de contrôle des situations. Pour un être immature et autocentré, inutile de dire que ces capacités cognitives d’abstraction sont hors de sa portée. S’il feignait de reconnaître l’existence d’une loi cosmique, ce serait uniquement pour s’en saisir afin de se victimiser davantage et donc, manipuler encore plus son entourage qui, rappelons-le, est composé de personnes instrumentalisées.
L’inexistence du long terme
On en parle assez peu, mais il existe une donnée fondamentale qui différencie un manipulateur narcissique d’une personne douée de bienveillance envers autrui : son incapacité à se projeter sur le long terme. Pourtant, la temporalité du karma est extensible à l’infini. Même s’il est donc envisageable que le PN soit frappé par un mauvais coup du sort bien plus tard, il n’aura aucun moyen de relier les événements entre eux, et encore moins dans un rapport de causalité.
L’impact invisible
Pour pouvoir réellement s’interroger sur les principes du karma, il faut être capable d’introspection. Or, qui dit “narcissique” dit “tourné uniquement vers l’extérieur”. Ainsi, ce vide psychique impossible à remplir autrement qu’en détruisant ses victimes, le prédateur sentimental machiavélique n’y a même pas accès consciemment. C’est toutefois ce qui le condamne à une vie misérable, sous la forme d’une longue déchéance, puisque l’on sait que les PN finissent très mal leur parcours de vie.
Pourquoi les victimes de PN s’accrochent-elles à l’idée d’une justice cosmique ?
Le karma du PN semble intéresser finalement les victimes, bien plus que les bourreaux qui, disons-le clairement, n’y croient pas une seule seconde, même s’ils peuvent prétendre le contraire. Pourquoi la notion de rééquilibrage karmique tient autant à cœur à ces anciennes proies ?
- Le transfert de charge émotionnelle : Le stress et la souffrance psychologiques subis par les victimes peuvent conduire à des sentiments d’angoisse, de désespoir ou de colère. Croire au karma leur permet de “déposer” ces affects dans un système à la dimension universelle.
- Le besoin de réconfort et de sécurité : lorsque les victimes de PN se sentent dépouillées de tout et abandonnées de tous, elles expérimentent une forme d’impuissance particulièrement déroutante. Ainsi, avoir recours à l’idée d’une force mystique pour les soutenir peut leur apporter un sentiment sécurisant.
- L’entretien de l’espoir : avoir foi en une justice à l’échelle spirituelle permet avant tout d’entretenir l’instinct de survie. C’est la promesse d’un avenir meilleur qui aide à ne pas sombrer dans les pensées noires et suicidaires.
- La soif de justice, même tardive : les anciennes proies de PN font souvent l’expérience d’injustices terribles. Entretenir l’espoir d’une validation du statut de victime, d’une réhabilitation sociale et d’une réparation personnelle jusque dans l’au-delà leur apporte un réconfort certain.
- La quête de sens : tout événement traumatique ne trouve d’apaisement qu’à partir du moment où l’élaboration narrative a pu s’opérer. En d’autres termes, il faut que l’histoire ait un sens pour être classée dans le rang des souvenirs, afin d’entamer le processus de résilience. Lorsqu’il n’y a pas de clôture de chapitre comme c’est fréquemment le cas avec un PN qui continue de tourmenter toutes ses victimes aussi longtemps que possible, s’en remettre au karma permet de se détacher du récit douloureux pour commencer un nouvel épisode de sa vie.
- Le mécanisme de lâcher-prise : Faire confiance au karma pour qu’il “s’occupe du reste” aide à se désengager des tenants et aboutissants de cette relation délétère pour se concentrer sur un avenir plus prometteur. Cela permet aussi de sortir de la lutte qui reste, malgré tout, un lien toxique avec l’ancien bourreau.
Pour les victimes de PN, le karma porte donc l’idée de guérison et de pardon. Dans ce contexte, il ne s’agit pas d’excuser l’abus, mais simplement laisser partir le fardeau émotionnel qui les maintient sous une forme d’emprise psychologique. Croire au karma, c’est plus que rêver de vengeance, c’est surtout enclencher une boucle vertueuse et constructive dont la bienveillance est le moteur.
Le karma du PN, qu’on y croie ou pas, semble ne pas l’affecter et importer davantage à ses victimes. Bien que les pervers narcissiques paraissent échapper aux principes du karma, ça ne veut pas dire qu’ils vivent une vie satisfaisante et pleine de sens pour autant. La roue ne tourne pas systématiquement en leur faveur et ce serait d’ailleurs leur reconnaître un pouvoir quasi divin qui irait bien dans leur sens que de penser de la sorte. Ce ne sont que des êtres humains qui traversent la vie et tous ses aléas avec plus ou moins de succès. Finalement, ce sont surtout les victimes qui invoquent ce concept karmique. Elles y voient un soutien et un réconfort certain qui les portent dans un élan vers la vie dont elles rêvent, socle de leur résilience.