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L’INCESTUEL CHEZ LE PERVERS NARCISSIQUE EN 3 QUESTIONS

L’incestuel chez le pervers narcissique caractérise un climat pesant dans lequel les limites sont brouillées. L’enfant peut jouer le rôle de l’adulte, et l’adulte, celui de l’enfant. Et en l’absence de cadre, tous les abus deviennent envisageables. Si vous doutez des capacités de votre conjoint PN à aller jusqu’à commettre l’inceste, n’écartez pas pour autant le risque de laisser des marques indélébiles dans la psyché des enfants en les faisant baigner dans cette ambiance incestuelle malsaine. Voici comment en reconnaître les signes pour vous aider à protéger les mineurs.

Inceste et incestuel : quelle différence ?

Si l’on voulait schématiser la différence entre inceste et incestuel, on pourrait résumer la problématique en indiquant un viol physique pour le premier cas, et un viol psychique pour le second, tous deux perpétrés sur un descendant mineur. En réalité, les deux situations s’enchevêtrent souvent. L’incestuel crée le contexte dans lequel l’agression sexuelle par un membre de la famille sur l’enfant est rendue possible, voire pérenne. Bien que l’inceste soit reconnu et sanctionné par la loi, ce n’est pas le cas de l’incestuel. Ce concept est, par ailleurs, très difficile à détecter, étant donné qu’il se passe dans la cellule familiale, là où les thérapeutes ont rarement accès.

L’incestuel selon Racamier

On doit la description du climat incestuel à Claude-Paul Racamier, psychanalyste ayant théorisé le phénomène entre 1980 et 1995. Selon lui, il s’agit d’“un climat où souffle le vent de l’inceste, sans qu’il y ait inceste. Le vent souffle chez les individus ; il souffle entre eux et dans les familles. Partout où il souffle, il fait le vide ; il instille du soupçon, du silence et du secret ; il disperse la végétation, laissant cependant pousser quelques plantes apparemment banales, qui se révèlent urticantes.” Par ailleurs, il “édicte comme tabou non pas l’inceste mais la vérité sur l’inceste”. Le problème est ainsi déporté pour mieux être caché.

Concrètement, les enfants baignent dans une atmosphère pesante et malaisante sans pouvoir identifier précisément les dysfonctionnements intrafamiliaux. Grandir dans cet environnement insécurisant empêcherait la résolution du complexe d’Œdipe, étape fondamentale à la construction de la personnalité selon Freud et les psychanalystes. Les dommages psychiques profonds nécessiteraient immanquablement d’entamer un travail thérapeutique avec un psy qualifié.

L’incestuel et le PN

Chez le pervers narcissique, l’incestuel va de pair avec ses techniques manipulatoires. Lui qui cherche à contrôler son entourage pour en faire des pantins soumis à sa volonté entretient naturellement la confusion. C’est par la séduction, puis par le gaslighting qu’il plonge ses victimes dans une incompréhension de la situation, la rendant par-là-même durable, qui plus est pour des enfants encore crédules. Il s’agit d’un inceste de l’esprit qui prend racine dans la confusion de la place et de l’individualité de chacun.

Le parent incestuel est autocentré et en carence affective. C’est un être immature poussé à combler son vide intérieur en utilisant les autres. Le mineur est donc une sorte de bouche-trou qui n’a de fonction que celle d’apaiser les pulsions de son ascendant. Autrement dit, le parent est un être capricieux en proie à des émois qu’il est incapable de gérer seul, et le mineur devient responsable de la réparation provisoire de l’adulte. Les rôles sont inversés et pourtant, tout est fait pour empêcher l’autonomisation du jeune être en construction, qui doit rester docile et serviable. C’est un véritable viol d’identité, puisque non seulement on dénie à la victime son altérité, mais surtout, on lui retire son statut d’enfant. Dans ce climat nauséabond, les différences d’âge, de génération, de sexe et de niveau sont abolies.

Si la perversion sexuelle n’est pas obligatoirement présente au départ, il ne faut pas ignorer le fait que les demandes d’affection peuvent dégénérer vers des faveurs sexuelles. De plus, si l’autre figure parentale, elle aussi manipulée, laisse faire ou se rend complice des abus physiques et émotionnels, le jeune individu sera doublement trahi, avec toutes les conséquences néfastes que cela provoquera sur son psychisme.

Qu’est-ce qui relève de l’incestuel chez le pervers narcissique ?

Tout PN n’instaure pas obligatoirement l’incestuel au sein de son foyer. De même, tout climat incestuel ne relève pas du caractère machiavélique de son instigateur. Quelles en sont donc les manifestations ?

Les 3 niveaux de l’incestualité

Le climat incestuel se joue sur 3 niveaux. En premier lieu, il y a l’empêchement de l’altérité. L’enfant n’est pas considéré dans sa dimension individuelle et unique. Il n’est là que pour assouvir les besoins de son ascendant. Il est parfois mis au niveau de l’adulte et son identité propre est en quelque sorte vampirisée par le parent séducteur. Le renversement des rôles lui attribue celui de pseudoconjoint.

Ensuite, une relation de complicité induit le mineur à se comporter de façon inappropriée pour son âge. Il devient le confident du parent abusif, à la fois galvanisé par la satisfaction de plaire à son père ou à sa mère et instauré dans une place importante au sein de la famille. Cela le conduit à vouloir protéger son bourreau, notamment en conservant précieusement ses secrets. Cet aspect se concrétise souvent par l’émergence du SAP (Syndrome d’Aliénation Parentale). Bien entendu, le sentiment de culpabilité a posteriori sera très lourd à porter pour la victime.

Enfin, l’érotisation de l’enfant est la voie vers la relation sexuelle avec son parent. Même si les attouchements génitaux ne sont pas forcément inéluctables avec les pervers narcissiques, on retrouve chez eux une certaine satisfaction à montrer des comportements ambigus. La progéniture est à la fois un faire-valoir en société et une source de plaisir, qu’il s’agisse de combler les besoins affectifs ou sexuels de l’adulte incestueux. Ainsi, un père incestuel sera par exemple ravi de nourrir son narcissisme en se promenant main dans la main avec sa fille, comme si c’était sa maîtresse, tandis que la mère est reléguée au second plan.

Quels sont les signes d’un contexte incestuel ?

Le malaise de l’enfant est le signe le plus révélateur d’une atmosphère outrepassant ses limites. Cela se manifeste par :

  • des contacts physiques gênants (caresses un peu trop intrusives, baisers sur la bouche qui perdurent à un âge avancé, démonstrations d’affection débordantes, étreintes fusionnelles étouffantes, y compris en public) ;
  • des sujets de conversation inadaptés à l’âge (notamment sur la sexualité, les problématiques d’adultes, le non-respect des tabous),
  • l’absence d’intimité (porte ouverte pendant les ébats amoureux des parents, images pornographiques non dissimulées, nudité banalisée, toilette à plusieurs, participation aux séances d’épilation, accès illimité au lit conjugal, mais aussi questions intrusives sur les menstruations et les expériences sexuelles, etc.).

Si l’enfant peine souvent à verbaliser sa gêne, il va la donner à voir pour des yeux experts par des moyens détournés.

Comment se développe un enfant ayant vécu dans un climat incestuel ?

Les enfants ayant grandi dans un contexte incestuel portent en eux des signes de déséquilibres psychiques. Le plus fastidieux et de les mettre en corrélation avec ce vécu traumatique, puisqu’ils n’en prennent conscience, pour la grande majorité, que très tard. On retrouve par exemple les symptômes suivants :

  • une perte d’énergie vitale, comme une fatigue intense, des troubles du sommeil, des douleurs chroniques, etc. ;
  • des troubles du comportement alimentaire, tels que la boulimie ou l’anorexie, qui témoignent souvent d’une volonté profonde d’anéantir la désirabilité du corps, surtout chez les jeunes filles ;
  • des troubles psychologiques comme l’anxiété, les psychoses, les phobies, la dépression, des idées suicidaires, etc. ;
  • des difficultés cognitives et mnésiques avec une perte de concentration ou de mémoire (surtout concernant l’enfance) ;
  • une suradaptation à l’environnement en construisant un faux self, c’est-à-dire une identité sociale visant à dissimuler un sentiment de vide intérieur et d’inadéquation ;
  • des troubles de la sexualité, avec par exemple une libido perturbée, du vaginisme, une aversion au contact physique ;
  • une tendance aux comportements obsessionnels ou addictifs.

Tiraillée entre ce qu’elle aurait dû devenir et ce qu’elle a appris à être, la jeune victime du climat incestuel peine à mûrir normalement. En général, elle distingue difficilement la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal. Si elle a occupé une place de pseudoconjoint, parfois jusqu’à évincer malgré elle l’autre parent, elle peut penser avoir tous les droits et éventuellement développer une personnalité contrôlante à l’âge adulte. Dans le pire des cas, elle pourra adopter le schéma qui lui a été inculqué et devenir elle-même perverse narcissique, voire incestueuse envers sa propre progéniture.

Le climat incestuel chez le pervers narcissique est avant tout un déni de l’individualité de l’enfant. Celui-ci baigne alors dans une confusion qui lui soustrait le cadre sécurisant indispensable pour s’épanouir pleinement. Il apprend à être un objet de satisfaction, privé du droit d’exister par lui-même, en tant que jeune vulnérable et en construction. Bien entendu, il ne s’agit pas ici d’accuser une mère qui ferait la toilette à son tout-petit d’instaurer l’incestuel dans son foyer. Il faut savoir faire la différence entre la nécessité de prendre soin d’un être immature dépendant et la volonté de garder sur lui un ascendant au-delà du raisonnable. S’occuper d’un bébé, c’est surtout l’aider à grandir. Par conséquent, c’est l’apprentissage de l’autonomie qui doit être visé. Si on le maintient dans une fonction de remplissage de satisfaction personnelle des parents, on le prive de la chance de se développer sainement. Arrivé à majorité, les séquelles qu’il portera de cette période trouble de son enfance entacheront immanquablement son parcours et l’exposeront au risque de devenir à son tour un parent toxique, voire un adulte abuseur d’enfants.