ENFANT PN : Mineur au Trouble Narcissique, est-ce possible ?
“Au secours, j’ai un enfant PN comme son père (ou sa mère) !”. Combien de fois avons-nous entendu ce genre d’allégation en cabinet ? Vous croyez avoir affaire à un enfant pervers narcissique parce qu’il pique des colères dès que les choses ne vont pas dans son sens ou parce qu’il sait déjà prendre les gens par les sentiments pour parvenir à ses fins ? Si le comportement d’un mineur vous rappelle étrangement les traits de caractère d’un vampire émotionnel de votre entourage, n’entrez pas en panique tout de suite. Ce n’est pas parce que la faille narcissique intervient dans les jeunes années qu’un bambin capricieux deviendra forcément un prédateur sentimental destructeur. Voyons en quoi les aspects manipulatoires de ces petits êtres en devenir évoquent le trouble de la personnalité narcissique et ce qu’il convient ou non d’en déduire.
Sommaire
Peut-on déclarer qu’un enfant est PN ?
Un enfant PN relève d’une hypothèse qui se voit facilement balayée par l’immaturité du sujet. Mais à partir de quel âge peut-on affirmer qu’une personne est manipulatrice perverse ? Quelques rappels sont de mise.
Le problème du diagnostic de pervers narcissique
Tout d’abord, la pose d’un diagnostic de perversion narcissique est tout simplement impossible au sens médical du terme. En effet, aucun système de catégorisation officiel des pathologies mentales ne mentionne cette appellation, pourtant populaire. Ainsi, que ce soit dans la CIM (Classification internationale des maladies) ou dans le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), il n’existe pas de pervers narcissique à proprement parler. C’est d’ailleurs ce qui a amené certains individus tatillons à adopter une position radicale sur la prétendue non-existence des PN. En réalité, notre équipe de psychologues spécialistes de la manipulation affective depuis plusieurs décennies traite plus exactement des sujets présentant des troubles de la personnalité narcissique. Cette fois-ci, le terme entre dans le cadre de référence admis par les professionnels de la santé mentale. Ce n’est donc pas la réalité du profil des manipulateurs machiavéliques qui est niée, mais la façon de le nommer.
À quel âge peut-on détecter un sujet MPN ?
Sachez qu’aucun psychologue, psychothérapeute ou psychiatre ne s’avancera à déclarer un sujet mineur comme souffrant de trouble de la personnalité. On considère que la formation de l’identité psychique n’est pas complète avant l’âge adulte, plus précisément une fois l’adolescence bel et bien terminée. Les stades de développement des jeunes sont en effet jalonnés de phases plus ou moins critiques de déséquilibres de l’humeur et des comportements. De plus, il est notoire que certaines périodes d’immaturité sont teintées d’un égocentrisme exacerbé et d’actes d’affirmation de soi plus ou moins tonitruants.
Pourquoi évoquons-nous cette thématique ? Pour que vous compreniez bien que les coups d’éclat d’un mineur tantôt dans la jalousie, tantôt dans la mégalomanie, mais aussi dans la paranoïa, l’alexithymie, dans le manque d’empathie, voire dans le sadisme, peuvent également être le fait d’ajustements comportementaux ou de déséquilibres hormonaux transitoires. Autrement dit, ne vous précipitez pas à déclarer votre enfant PN, alors que celui-ci n’a que 13 ans. Cela n’aurait aucun sens d’un point de vue scientifique.
Cependant, clarifions un point. Nous avons expliqué maintes fois que la faille narcissique à l’origine du trouble mental du MPN se produisait dans la petite enfance. Ainsi, les dés sont jetés le plus souvent avant l’âge de 3 ans. S’il est inadéquat d’affirmer qu’un enfant est PN, la pathologie peut tout à fait être latente. Lorsqu’elle se révélera, si elle se révèle, il deviendra vraisemblablement un manipulateur sadique. Cette réponse ne surviendra malheureusement qu’à sa majorité biologique, même si des signes avant-coureurs auront certainement causé des dégâts.
Pourquoi un mineur présente-t-il des traits de perversion narcissique ?
Avant de se hâter à considérer un enfant PN et donc, de le condamner à porter une étiquette lourde de conséquences, tentons de nous interroger sur les comportements qui alimentent cette théorie.
L’enfant est égocentré
L’égocentrisme est très présent durant les premières années du développement cognitif de l’être humain. Selon la théorie de Jean Piaget sur les paliers d’acquisition, lors du stade préopératoire (soit d’environ 2 ans à 7 ans), l’enfant a du mal à prendre en compte le point de vue d’autrui. Lui qui est habitué à captiver l’attention de ses “caretakers”, c’est-à-dire ceux qui sont en charge de combler ses besoins (le plus souvent les parents) ne sait pas encore qu’il n’est pas le centre de l’univers. Il appréhende donc le monde uniquement selon son prisme. Ainsi, les désirs, les croyances et les perspectives différentes des siennes n’ont aucune prévalence. En trouvant sa place en tant qu’individu à part entière et par conséquent, évoluant dans un groupe d’individus, il entre dans le stade opératoire concret (entre 7 et 11 ans). L’enfant commence à comprendre les divergences de points de vue. Il découvre que les pensées et les sentiments des autres peuvent s’éloigner des siens et il est de plus en plus capable de prendre en compte plusieurs aspects d’une situation.
Son nombrilisme s’étiole progressivement et ne disparaîtra peut-être jamais totalement, mais ce qui est certain, c’est que l’égoïsme d’un enfant est normal, celui d’un adolescent est relativement tolérable, tandis que l’égocentrisme d’un PN est pathologique ! En effet, à l’âge adulte, faire passer ses besoins et désirs au détriment de ceux des autres, ignorer les droits d’autrui et réifier son entourage relève d’une négation des individus dans leur statut d’être humain.
Le narcissisme est essentiel au développement de la personnalité
Le narcissisme n’est pas forcément une mauvaise chose. Dans un cas de figure équilibré, il exprime une bonne estime de soi et une confiance en ses capacités. Cela contribue au bien-être émotionnel et à une aptitude à interagir sainement avec le monde qui nous entoure. Pour un petit être en développement, la juste dose de narcissisme se forgera au fil du temps en explorant ses talents, en se mesurant à autrui ou à des situations pour jauger ses forces et faiblesses. Comme toute attitude exploratoire, cette recherche sera émaillée de tentatives, d’échecs, d’apprentissages, d’automatisation et de réussites. Ainsi, une phase d’excès de confiance en soi ou de mise en avant de sa personne ne rimera pas forcément avec un narcissisme grandiloquent pathologique comme peut l’être celui du PN. Le manipulateur sentimental considère que tout être lui est inférieur. Ainsi, il ne faut pas confondre un adolescent qui essaie de trouver sa place en cherchant à s’imposer dans un groupe avec un MPN avéré qui instrumentalise tout le monde et s’obstine sur une proie en particulier avec sadisme.
La figure d’attachement est un pilier de l’enfance
Un PN en plein projet destructeur aura un rapport fusionnel avec sa victime. À la manière d’un enfant qui dispose d’un lien presque exclusif avec sa figure d’attachement (le plus souvent la mère), une sorte d’action de vases communicants s’opère. Il y a d’une part une source d’approvisionnement et, d’autre part, un réceptacle qui se remplit à mesure que l’autre contenant se vide. Pour un jeune mineur, il est vital de se reposer sur sa dépendance envers ses parents pour une durée provisoire avec pour objectif d’atteindre l’autonomie. Pour un manipulateur sentimental, il est indispensable de s’acharner sur sa proie pour combler son vide intérieur. Toutefois, ce qui se tient en huis clos est un jeu machiavélique usant les nerfs, la santé physique et mentale, jusqu’à l’anéantissement de la victime. Il n’y aura donc jamais d’autosuffisance chez le MPN qui passera simplement de proie en proie.
L’enfant instrumentalise, teste et manipule son entourage
Pour évoluer en société, l’enfant doit également construire ses capacités à se lier aux autres. Pour ce faire, il va là encore tester, expérimenter et manipuler. C’est dans un souci de s’adapter à son environnement qu’il va affiner sa façon d’interagir avec son cercle social. Ceci lui permettra notamment de développer son sens moral, en apprenant ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, et d’intégrer les règles de ses groupes d’appartenance en prenant connaissanc ce qui est autorisé et ce qui est répréhensible. Pour réussir à élaborer son cadre et surtout ses limites, il lui faudra donc user de stratégies pour découvrir la véritable étendue de son contrôle. Puis il grandira et plus ses plans seront complexes pour parvenir à élargir son champ d’action. À la différence du MPN, il ne manipulera pas forcément dans un but malintentionné, mais à l’instar de celui-ci, il pourra le faire dans une démarche égoïste, voire narcissique. C’est bien là toute la difficulté d’appréhender cette question. Pour faire plus simple, un jeune qui se cherche pourra manipuler pour galvauder son image ou atteindre un but personnel, mais sa conscience devrait le retenir de franchir le cap de nuire sciemment aux autres. C’est même un signe d’intelligence.
La construction du masque social s’établit dès les jeunes années
Nous vous avons déjà parlé du masque social du PN et de son utilité pour dissimuler sa personnalité pathologique incurable sans éveiller les soupçons. Cependant, nous présentons tous un personnage public, visant à nous aider à nous fondre dans la masse pour garantir notre acceptation au sein d’un groupe. En des temps reculés, cette mesure assurait notre survie. Aussi, il est normal qu’un enfant forge le sien rapidement. Si votre chérubin adopte un comportement angélique, calme et obéissant à l’extérieur de votre foyer, alors qu’il se montre turbulent et insolent chez vous, ça ne veut pas dire qu’il a une double personnalité ! C’est simplement qu’il peut laisser sa véritable nature s’exprimer lorsqu’il est en confiance. Le MPN aura aussi une ambivalence, mais en révélant son sadisme, ses actions auront une visée délétère pour la personne qu’il a prise pour cible.
Le cas de l’enfant PN n’a aucun soubassement scientifique et donc, aucune validité médicale. Ce qui va déterminer le développement ou non du trouble narcissique pervers, c’est la construction de sa personnalité autour de sa faille narcissique. S’il est impossible d’anticiper le devenir psychique de quelqu’un, qui plus est dès l’enfance, il ne faut surtout pas considérer qu’un jeune, même s’il est fils ou fille de PN, héritera de fait de ce caractère sadique. Lui offrir une stabilité émotionnelle et combler ses besoins affectifs et physiologiques optimise ses chances de devenir un adulte relativement équilibré, même dans le cas d’une coparentalité avec un manipulateur sentimental.