Accueil » Blog » Notre série » Conclusion sur le pervers narcissique

Conclusion sur le pervers narcissique

La difficulté d’exister en tant qu’être unique, autonome, indépendant et défini, mais lié au « tout », à l’origine, fait surgir un désir de complétude, surtout chez les personnes qui portent au plus profond une carence, une faille. Pour elles, l’autre sera celui qui finit, et qui définit. La manipulation s’installe aisément dans les relations des êtres en manque car il existe une intention (inconsciente), une quête, en aval de la rencontre. Le manipulateur ou la manipulatrice chercheront celui ou celle qui possède cette faille et, vice versa, la personne encline à la dépendance affective se laissera facilement « enrôler » par eux. En conclusion, nous avons tous besoin d’autrui, même sans nous l’avouer. Certain(e)s iront vers un(e) partenaire pour tenter d’accéder à une osmose utopique, en suivant le chemin de la tentation fusionnelle. Mais certains, refusant de considérer l’autre dans son identité propre, agissent par vampirisme, comme le pervers narcissique qui va, quant à lui, jusqu’à puiser indéfiniment dans sa partenaire la substance lui faisant défaut. Il existe des relations qui révèlent ainsi, presque spontanément, une imbrication apparemment « parfaite ».

Il est frappant, d’ailleurs, de constater combien le lien est fort entre manipulateur(trice) et manipulé(e). Comme si l’autonomie était non souhaitée ou difficile d’accès. Pourtant, la différenciation est une loi première de la nature ; elle marque l’histoire de chaque être vivant. La vie du « petit d’homme » est jalonnée de séparations. De la naissance au sevrage, de la prise d’autonomie lors de l’adolescence à la vie indépendante. La différenciation, par le biais des séparations, constitue le parcours nécessaire à la construction de chacun. C’est en cela que l’on acquiert son identité. Se séparer, c’est se différencier et donc, se définir, comme les cellules, au tout début de la vie.

Se reconnaître et se créer en tant qu’être unique, sans nier l’autre. Tout est là, et le paradoxe n’est pas des moindres, chez le pervers narcissique qui cherche à effacer l’autre. Il en a, malgré cela, tant besoin pour s’approvisionner en substance narcissique !

Et, pour ce faire, il utilise d’abord et avant tout les mots.

Dans la relation de manipulateur(trice) à manipulé(e), le signe manifeste de la négation de l’autre réside, en effet, dans la non-communication. S’il n’y a pas d’altérité, la parole ne se déploie pas. On ne s’adresse pas véritablement à quelqu’un qui n’existe pas… Toutefois, la carence de dialogue authentique ne rime pas forcément avec silence. Il s’agit ici de parole servant à communiquer, celle qui justement fait gravement défaut au manipulateur. Il est possible de « dire des mots » sans vraiment instaurer de dialogue avec l’autre, ni l’écouter en retour. Certains hommes de pouvoir, très intellectuels, avec une position sociale prestigieuse, savent manier ainsi le langage. La femme en dépendance affective est particulièrement attirée par ce genre d’homme. Il la complète abondamment et la définit en lui conférant un statut.

Cet attachement ablatif détruit la personne, dont les aspirations restent en marge, en attente, « en souffrance », comme les bagages perdus dans les gares ou les aéroports. L’amour ne signifie pas l’« absorption », encore moins la destruction. Tout cela n’est d’ailleurs pas de l’amour. Il est erroné, par exemple, d’associer la jalousie à l’attachement affectif. « Il est jaloux ; c’est une preuve d’amour » : une idée destructrice parmi tant d’autres… Le bonheur lui-même ne dépend pas uniquement de l’amour. Aussi convient-il de ne pas lui attribuer un effet miracle, si importante que la sphère sentimentale puisse être.

Les manipulateurs, et surtout le pervers narcissique, ne changent pas ni ne regrettent leurs manœuvres ou leurs actes.

La première précaution consiste donc à veiller à rester soi-même, ce dans toute relation. Savoir poser des limites, « demander » le respect. Rester libre ou le devenir implique aussi d’accepter de ne pas être aimé(e) de tous, universellement. Il faut oser susciter le désaccord. Si le respect d’autrui passe par l’écoute, la trop grande importance accordée à l’opinion du/de la partenaire peut, elle, amener à entrer dans un moule formaté, ad hoc, « pour lui plaire », ce qui conduit évidemment à l’effacement.

De même, il est inutile de s’imposer de fausses règles, de fausses lois que l’on devrait suivre au nom de principes obsolètes ou contraignants. Les enfants pâtissent de la séparation des parents. Mais ils sont parfois encore plus atteints par une non-séparation, une vie à l’enseigne de l’agressivité latente ou déclarée. Ils souffrent du fait de voir un parent se rabougrir au fil des ans, rongé d’insatisfaction.

En conclusion, la différence entre les difficultés ordinaires du couple et la manipulation destructrice reste fondamentale pour une évaluation équilibrée de la relation. Les premières représentent un péché véniel, la deuxième est une perversion. La manipulation réitérée, celle qui entame et consume petit à petit l’estime de soi, peut laisser des traces que seule une psychothérapie, voire une analyse, pourra aider à surmonter.

Comment résister, comment s’en sortir ?

Commençons par nous aimer nous-mêmes, par ne jamais nous perdre de vue…