J’ai vécu 30 ans avec un pervers narcissique, qui souffrait également d’une pathologie bipolaire. Mais on ne découvre leur véritable nature qu’avec le temps… Tout commence souvent de façon insidieuse, et avant qu’on ne s’en rende compte, l’emprise s’installe.

J’ai rencontré mon ex à 17 ans.

À cet âge, j’étais à un tournant de ma vie. Mon quotidien à la maison était étouffant, presque invivable. Ma mère, que je soupçonne aujourd’hui d’avoir des traits de perversité narcissique, était dure, exigeante, et toujours critique envers moi. Elle contrôlait chaque aspect de ma vie, depuis mes choix vestimentaires jusqu’à mes fréquentations, et semblait incapable de m’accorder une once d’amour ou de validation. C’est comme si rien de ce que je faisais n’était jamais suffisant pour elle.

Ma recherche

Dans cet environnement, j’étais en quête de quelque chose, ou plutôt de quelqu’un, pour m’arracher à cette réalité. Quand j’ai rencontré mon ex, il a comblé ce vide. Il avait ce côté rassurant et protecteur, et je me suis accrochée à cette image, presque aveuglément. Nous nous sommes rencontrés lors d’une fête organisée par des amis communs. Il avait un sourire désarmant et semblait s’intéresser à moi comme personne ne l’avait fait auparavant. Il me posait des questions, il écoutait mes réponses. Cela me paraissait si nouveau, presque magique. Avec lui, pour la première fois, j’avais l’impression d’exister.

Très vite, il est devenu mon refuge. Il me disait des choses comme : « Tu mérites tellement mieux », ou encore : « Avec moi, tu n’auras plus jamais à te soucier de rien. » Et j’y croyais, parce que j’avais désespérément besoin d’y croire. À 17 ans, je ne voyais pas encore les signes de manipulation derrière ses mots. Ce que je percevais, c’était une promesse de sécurité et d’amour inconditionnel.

J’ai eu 18 ans

je suis partie vivre avec lui. Je voulais fuir ma maison, fuir ma mère, fuir cette vie où je me sentais enfermée et insignifiante. Avec lui, j’avais l’impression de tourner une page, de prendre mon destin en main. Mais ce que je ne réalisais pas, c’est que je quittais une cage pour une autre. Dès que j’ai emménagé avec lui, il a commencé à changer. Sa jalousie, que je trouvais au départ flatteuse, est devenue étouffante. Il voulait savoir où j’étais, avec qui je parlais, ce que je faisais. Il me disait que mes amis ne me comprenaient pas, que ma famille m’utilisait. Et moi, dans ma naïveté et ma soif d’amour, je l’écoutais.

Il a commencé à me couper du monde.

Ce qui, au début, ressemblait à de l’amour et de la protection s’est transformé en contrôle. Il critiquait mes amies, trouvait des défauts à tout le monde autour de moi. Et peu à peu, j’ai arrêté de les voir, parce que c’était plus simple, parce que je ne voulais pas déclencher une dispute. Je me persuadais qu’il agissait ainsi parce qu’il m’aimait vraiment, parce qu’il voulait me protéger. Ce que je ne comprenais pas encore, c’est qu’il posait les premières pierres de l’emprise.

 La violence

La violence s’est installée rapidement. Elle était verbale et parfois physique. Pourtant, il savait toujours se racheter d’une manière ou d’une autre, sans jamais s’excuser. Je l’aimais, sans comprendre pourquoi cet amour était si fort, malgré tout le mal qu’il me faisait. J’étais prise dans un cercle vicieux, persuadée que je pouvais le changer. J’ai tout essayé pour ça… mais le mal finissait toujours par l’emporter.

Je suis restée. Pourquoi ? Parce que j’avais un travail, une vie que je croyais normale. Mais en réalité, tout tournait autour de lui. Nous nous sommes mariés, nous avons eu un enfant, et pourtant, les crises ont continué. Il alternait entre méchanceté, manipulation et ravissement, sans jamais cesser de me contrôler. Seule petite victoire : j’avais réussi à stopper les violences physiques. Mais les blessures psychologiques, elles, étaient toujours là.

Mes 30 ans

Après des mois de disputes incessantes, j’ai découvert sa première infidélité. Il m’accusait de tout, retournant chaque situation contre moi, alors qu’il était le seul véritable coupable. Lorsqu’il a demandé le divorce, j’étais à bout. J’ai accepté. Mais une fois encore, il a tout fait pour me retenir, jouant sur mes émotions. Et, comme tant d’autres fois, je suis restée.

Le piège

Une mutation professionnelle à l’étranger devait être une solution pour sauver notre couple. Ce fut un piège. Nous avons passé 10 ans en expatriation, et pendant ce temps, j’ai tout perdu : mes proches, ma carrière, ma santé mentale. À notre retour, j’étais mère de trois enfants, enfermée dans un rôle de femme soumise, sans aucun pouvoir. Lui, de son côté, avait trouvé de nouvelles proies. Ce furent les années les plus noires de ma vie. Je n’avais plus d’estime pour moi-même, mais je voulais tenir bon pour mes enfants.

Peu à peu, grâce à quelques amies, j’ai commencé à retrouver des forces. Mais cela l’a dérangé. Il a alors déplacé sa violence et sa manipulation sur nos enfants, espérant m’atteindre à travers eux. Un jour, tout a changé. J’ai lu un livre, Dans la gueule du loup. Une révélation. Chaque page décrivait ma vie. J’ai enfin compris ce que je vivais. J’ai décidé de fuir. Mais partir n’a pas été simple. Cela m’a pris des années. La manipulation, la peur et l’emprise étaient si puissantes. Finalement, avec l’aide d’une association et d’un avocat, j’ai réussi à m’échapper.

Mais l’enfer ne s’est pas arrêté là.

Même après le divorce, il a continué à me tourmenter, utilisant nos enfants comme outil de manipulation. J’ai dû me reconstruire, apprendre à me protéger et appliquer le no contact, autant que possible. Cela a été un processus long et douloureux, avec des hauts et des bas.

J’ai beaucoup lu pour comprendre. J’ai découvert que j’étais une personne empathique, tombée dans les griffes d’un pervers narcissique. Je voulais le sauver, quitte à m’oublier complètement. Aujourd’hui, je sais que je n’aurais jamais dû accepter cela. Mais pour partir, il faut d’abord comprendre. Et pour comprendre, il faut s’armer de patience et, surtout, apprendre à se pardonner.

Mon conseil à celles et ceux qui vivent cela : parlez. Entourez-vous de personnes de confiance, apprenez ce qui est normal ou non dans une relation, et faites le deuil de cette histoire. C’est un chemin long et difficile, mais il en vaut la peine. Je ne crois pas qu’on guérisse complètement, mais on peut réapprendre à vivre, à avancer, et surtout, à ne plus avoir peur.

Merci pour vos articles, vos conseils et votre travail. Ils donnent des mots et des clés pour comprendre, pour agir, et pour survivre. S’en sortir est possible. Croyez-moi.