LE PERVERS NARCISSIQUE ET L’ALCOOL
L’alcoolisme et les addictions, même s’ils ne sont pas une généralité chez tous les pervers narcissiques, sont souvent au rendez-vous lors d’une relation avec l’un d’eux. Pourquoi faut-il se méfier des relations du manipulateur pervers et l’alcool ? Nous en donnerons ici quelques raisons.
Sommaire
Une personnalité addictive
D’une manière générale, manipulateur et alcool s’entendent bien. Cela démystifie la personnalité du pervers narcissique, que l’on considère trop souvent comme un être fort, en révélant les fondements de sa personnalité comme éminemment addictifs.
Pourquoi ? Parce qu’il a en lui un énorme vide et de profonds manques qu’il a besoin de combler. En dépit de son assurance de façade, un manipulateur pervers est dépendant à tout ce peut l’« alimenter » sur le plan intérieur. Il a en permanence besoin de soutenir son narcissisme défaillant. C’est pourquoi, selon les personnalités, il présente souvent des addictions dont l’alcool et la cigarette sont les plus courantes. Mais elles peuvent aussi se porter sur les drogues, le jeu, la nourriture, le sexe… Tout ce qui le grise, lui apporte un sentiment de puissance et d’excitation le substante et devient chez lui facilement addictif.
Le manipulateur pervers et l’alcool ont d’autres raisons de bien s’entendre. L’alcool est une échappatoire devant les problèmes de l’existence, problèmes qu’il n’est pas armé pour gérer. Il lui sert aussi d’exutoire et d’euphorisant idéal pour se désinhiber. En société, il lui permet d’arborer un masque de plus, celui qui le fait passer pour un gentil, un bout en train. Et ce, même s’il a l’alcool triste dans l’intimité et redoublera son harcèlement et ses violences contre sa victime lorsqu’il aura bu.
Leur(s) consommation(s)
Les manipulateurs pervers s’alcoolisent souvent pour d’autres raisons encore. L’alcool calme leurs tensions intérieures, car l’anxiété les tourmente souvent, affairés qu’ils sont à piéger leur entourage et à échafauder des intrigues. Ils vivent beaucoup sous tension, la manipulation ponctionnant leurs ressources et les maintenant dans le stress. Cacher ses mensonges, calculer les réactions de l’autre, le maintenir sous emprise : tout cela est énergivore et usant. Au reste, les pervers narcissiques n’échappent pas à la dépression et à la paranoïa, avec de fréquents sentiments de persécution.
Enfin, en grand enfant immature et égoïste, le pervers narcissique tient souvent envers l’alcool un discours irresponsable. Il en nie les risques pour sa santé, habité par un sentiment de toute-puissance qui l’exonère de la responsabilité de ses actes. Pour lui, cirrhose et autres maladies sont pour les autres…
Le manipulateur et l’alcool : un duo explosif
Le conjoint ou la conjointe d’un pervers narcissique peut donc se voir confronté à un problème d’alcool avec son partenaire. Mais le pervers narcissique se distingue des alcooliques classiques par le fait qu’il instrumentalise son addiction pour amplifier son emprise sur sa proie.
L’alcool lui sert d’abord d’alibi à toutes ses violences, ses insultes et ses comportements inacceptables. Il est facile pour lui de les mettre sur le compte de la boisson en se défendant qu’il n’était pas lui-même ensuite, car il est un autre « quand il a bu »…
Pire encore, le manipulateur narcissique instrumentalise son alcoolisme pour créer chez l’autre un complexe de sauveur, propice à une grande culpabilité. Il exploite là subtilement la sensibilité de son partenaire en lui faisant croire qu’il peut et doit le « sauver » de son poison. Cela va devenir chez l’autre, un véritable devoir.
Pour instaurer ce chantage émotionnel, il joue sur une énorme manipulation mentale où il se fait passer, bien sûr, pour une victime. Il va pour cela s’inventer de rocambolesques souffrances qui l’auraient selon lui, conduit à boire.
La manipulation psychologique va jouer sur une forme d’identification à la souffrance de l’autre chez la victime, qui cherche aveuglément la reconnaissance et l’amour de son bourreau. Portée par l’élan de ce curieux sauvetage, elle est alors loin de réaliser que c’est la dépendance affective qui la pousse à agir, et non le besoin d’aider, comme elle le croit.
Un manipulateur n’a nullement, on s’en doute, le désir d’arrêter de boire.
Il a besoin, au contraire, de continuer, mais sans se voir considéré comme un alcoolique. C’est l’une des grandes raisons pour laquelle il a besoin de rendre l’autre responsable de son malaise.
Mais, il renforce ainsi aussi son emprise, car le « complexe de l’infirmière » lui permet de faire de sa victime la responsable de son vice et de tous ses excès, fautive qu’elle est de ne pas réussir à « le sauver ». La relation va devenir alors extrêmement toxique. Elle s’axe sur un lien fusionnel très fort, certainement l’un des plus dangereux que l’on puisse nouer avec un être manipulateur. Il expose, en effet, non seulement à partager, mais aussi à épouser sa souffrance, ce qui expose à tomber à son tour dans l’addiction.
On retrouve là l’une des applications de l’identification projective du PN. Il s’agit de ce jeu pervers qui consiste à détruire psychologiquement sa victime en modelant son psychisme sur son propre psychisme pathologique. L’alcool est en cela pour lui un outil précieux qui l’aide à bâtir un lien d’emprise très fort et très toxique au travers de l’addiction.
Un manipulateur en proie à des problèmes d’alcool essaiera donc par tous les moyens de faire tomber sa victime dans sa dépendance. Le « complexe de l’infirmière » n’est pas le seul moyen dont il dispose. Il peut aussi utiliser la séduction, en faisant croire à sa proie qu’elle est plus drôle, plus sympathique, une fois qu’elle a bu. Il cherche aussi parfois à la flatter, ou comme sur le plan sexuel, à la désinhiber, en lui faisant croire qu’il l’initie à des plaisirs raffinés, que lui seul peut lui apprendre…
Quel danger court la victime ?
Face à l’alcool d’un compagnon pervers, les victimes se montrent souvent prudentes, mais elles sont nombreuses à souffrir des conséquences de l’immodération de leur compagnon. La violence et les problèmes financiers sont monnaie courante dans ce genre de configuration.
Sur le plan psychologique, une mise en garde s’impose à celles, qui, cédant à la manipulation, tombent à leur tour dans l’addiction. Leur partenaire pervers fera tout, à ce moment-là, pour accroître leur dépendance et les tenir enchaînées au fléau, en avançant les verres les uns après les autres et en décourageant sournoisement toute tentative de sevrage. Un cercle vicieux risque de s’amorcer, car le plongeon est d’autant plus facile que l’alcool va aussi aider à supporter une relation devenue un véritable enfer.
Toute victime d’un manipulateur ou d’une manipulatrice présente une faille narcissique. Cette faille provoque chez elle une addiction affective à l’autre, susceptible de la mener vers d’autres addictions, à l’initiative du pervers. Situation hautement dangereuse, car l’addiction deviendra alors plus tard « un héritage » d’une relation entretenue avec ce partenaire narcissique. Héritage il dont il sera à terme difficile de se débarrasser, même si l’on a fui depuis longtemps le pervers.
Pascal Couderc est psychanalyste, spécialiste des addictions et de la dépendance affective. Il aide et soutient ceux et celles qui souhaitent sortir des griffes d’un manipulateur ou d’une manipulatrice. Thérapie possible en cabinet et par télé consultation sur Skype.
Lire aussi : la culpabilisation et la mise en dépendance.