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Contrôle Coercitif, Perversion Narcissique, Emprise : les nuances

Contrôle coercitif, perversion narcissique et emprise sont des notions distinctes, mais dont les frontières sont poreuses. En effet, la coercition relève d’un ascendant contraint sur autrui et sans domination mentale, il serait difficile pour un PN de soumettre sa proie. Afin de mieux comprendre ces mécanismes manipulatoires qui opèrent à divers degrés, il est particulièrement intéressant de bien les définir. Évaluons leurs nuances et leurs points de chevauchement pour répondre efficacement aux différents cas de figure au cours desquels ces phénomènes interpersonnels toxiques se présentent.

Qu’est-ce que le contrôle coercitif ?

Le concept de contrôle coercitif est à différencier de la perversion narcissique et de l’emprise. À la croisée de la psychologie et du droit, il est souvent appréhendé dans un contexte de violence domestique et plus spécifiquement, dans ce qui a trait aux violences économiques conjugales. La coercition implique le fait de contraindre. Ainsi, il s’agit d’imposer sa domination sur une personne en la forçant à accepter ce qu’elle n’aurait pas choisi par elle-même.

Psychologie de la coercition

Selon l’approche de la psychologie, le contrôle coercitif se manifeste par des comportements abusifs répétés qui visent à éroder l’autonomie de la personne cible, ainsi que son estime de soi. Le panel des moyens de pression pour parvenir à ce but est varié et peut inclure :

 

  1. L’isolement social : les contacts de la victime avec sa famille, ses amis et ses collègues sont limités, afin de la rendre dépendante de la personne qui la contrôle.
  2. La manipulation émotionnelle : les affects de l’individu sous influence sont utilisés comme des leviers pour semer la confusion dans son esprit.
  3. La surveillance intrusive : il s’agit, pour la personnalité contrôlante, de tout savoir des faits et gestes de l’individu qui est chaperonné, par n’importe quel moyen, y compris par le biais de la technologie (balises de localisation, accès total au téléphone portable, à l’ordinateur, aux réseaux sociaux, etc).
  4. Le dénigrement et l’humiliation : rabaisser continuellement quelqu’un, c’est lui adresser le message subtil qu’il ne se suffit pas à lui-même. Par conséquent, il doit s’en remettre à son bourreau pour gérer sa vie.
  5. La menace et le chantage : les menaces explicites et implicites de représailles confèrent un fort ancrage au contrôle. Elles jouent sur la peur pour donner son pouvoir au manipulateur.

Le contrôle coercitif dans le droit

C’est dans le domaine juridique que la notion de contrôle coercitif a permis de caractériser cette forme de maltraitance. Issue de l’expression anglophone coercive control mise en avant par le professeur américain Evan Stark, elle propose d’appréhender la violence domestique dans une plus grande amplitude que celle des actes visibles de malveillance dirigés à l’encontre d’une victime. Les comportements coercitifs peuvent constituer une infraction pénale ou bien être pris en compte dans le cadre de poursuites pour violences conjugales. À l’inverse, la perversion narcissique n’a aucune existence reconnue au niveau de la justice, et ne fait pas non plus consensus au sein de la communauté scientifique.

Perversion narcissique et contrôle coercitif : similitudes et différences

Vous avez certainement remarqué que tous les thèmes qui relèvent de la coercition se retrouvent dans les schémas de fonctionnement des pervers narcissiques. Alors où se trouve la divergence ? D’une part, dans l’intention et, d’autre part, dans la nature même du bourreau.

Le trouble de la personnalité narcissique induit une image grandiose de soi-même, un besoin insatiable de reconnaissance et un manque d’empathie pathologique, le tout orchestré par un machiavélisme débordant. Or, une personne appliquant un contrôle coercitif peut être plus simplement en carence affective, issue d’une problématique d’attachement ou porteuse de traits paranoïaques sans pour autant être sadique.

En d’autres termes, le PN exercera un ascendant sur sa victime dans une démarche malveillante visant à détruire sa proie pour assouvir son idéal de toute-puissance. Pour ce faire, il pourra employer la contrainte comme l’un de ses nombreux outils de persuasion. La personne usant de coercition pour contrôler l’autre sera avant tout portée par un besoin de réassurance pour calmer sa propre anxiété et lutter contre sa peur de l’abandon. Elle ne l’utilisera pas pour faire le mal. La souffrance causée à la victime représentera plutôt un dommage collatéral non réfléchi en amont des actes perpétrés, sans pour autant renier leur gravité.

Dans les deux cas, des stratégies parfois très élaborées pourront être mises en place. On pourrait même les qualifier de “perverses” et c’est ce qui rend la distinction entre les deux concepts particulièrement ténus. Cela explique probablement pourquoi le terme de “pervers narcissique” semble employé avec excès, au point que certains aient remis en doute sa légitimité.

Emprise ou contrôle ? Comment les distinguer ? 

Toutes deux orientées vers une dynamique relationnelle asymétrique, les notions d’emprise et celle de contrôle coercitif peuvent être distinguées selon les processus qui les jalonnent.

L’emprise est insidieuse. Elle se situerait plutôt à un niveau interne chez la victime. Le manipulateur qui instaure sa domination envahit progressivement les sentiments, les pensées, les capacités de jugement et l’estime de soi de sa proie. La démarche fonctionne comme un venin qui se propage en secret et en profondeur. La clé de la réussite est la subtilité. C’est à force d’effractions psychiques que l’agresseur parvient à reprogrammer le cerveau de la personne qu’il cherche à soumettre, le tout à son insu.

Le contrôle coercitif est bien plus explicite et détectable. Les injonctions sont claires et bien souvent agressives. Cela se joue moins à niveau intraindividuel qu’interindividuel. La victime est le plus souvent consciente qu’elle n’a pas d’autre choix que d’obéir. Sauf s’il y a eu des épisodes de violence, les personnes dominées sous contrainte sont généralement moins traumatisées que celles qui ont fait l’expérience de la véritable emprise perverse. Néanmoins, dans les deux cas, il est recommandé de faire appel à un psychologue pour sortir de la toxicité de cette relation qui perdure très souvent bien au-delà de la rupture, parfois même dans le cadre d’une nouvelle union sentimentale. À noter que les deux procédés ne sont pas exclusifs et peuvent tout à fait opérer de concert.

Convergence entre trois notions : l’impact sur la victime

Nous avons vu qu’entre contrôle coercitif, perversion narcissique et emprise, il était nécessaire de les traiter selon leurs spécificités, afin de savoir les identifier. Ceci a pour but éventuel de les contrer. Toutefois, elles comportent un point de similarité irréfutable : les dégâts qu’elles sont capables de provoquer chez la personne qui en fait les frais. Parmi les plus fréquents, on retrouve :

  1. la dépression ;
  2. l’anxiété chronique ;
  3. la perte de confiance en soi ;
  4. la dégradation de l’image de soi ;
  5. le syndrome de stress post-traumatique ;
  6. la psychosomatisation ;
  7. les troubles du comportement ;
  8. les difficultés sociales ;
  9. la précarisation financière.

Selon la durée et l’intensité de la pression subie, mais aussi les expériences de vie propres à chaque personne, les symptômes seront plus ou moins graves et longs à traiter. Néanmoins, comprendre ce qui a mené quelqu’un à supporter l’influence d’un tiers sera crucial pour sortir du schéma dysfonctionnel de soumission.

Le contrôle coercitif, la perversion narcissique et l’emprise portent dans leurs définitions respectives des points de similitudes, mais aussi des différences fondamentales. L’emploi de la première reste toutefois à privilégier dans le cadre juridique. En effet, le contrôle coercitif revêt un aspect tangible qui permet de mettre en lumière des actes apparentés à de la violence conjugale, sans s’encombrer d’allégations psychologisantes dirigées vers l’individu. En clair, le concept permet de juger les faits, et non la personnalité ni la nature de la relation conflictuelle. Dans les litiges autour de la coparentalité, par exemple, elle permet de contrer le phénomène controversé du syndrome d’aliénation parentale dont les mères sont parfois accusées par leurs ex PN, dans une inversion accusatoire dont ils ont le secret.