Survivante

J’ai grandi dans une famille de militaires, ballotée de déménagement en déménagement. Cela ne me dérangeait pas. Les casernes françaises de Landau, les économats, le collège français et aussi le temps maussade du Loiret m’ont vue grandir. Je me rappelle encore la boutique d’animaux en bord de la Loire, où un petit singe était en vitrine. Des années après, j’ai appris qu’ils l’avaient relâché dans son pays d’origine.

Mon père était militaire

Ma maman était elle mère au foyer. J’ai passé une enfance heureuse mais sans liberté. Je n’aurais, par exemple, jamais osé demander à mes parents de m’acheter une glace. Mes camarades avaient toujours un cartable coloré, fun, à la mode mais moi, le cartable simili cuir, gros et sans attrait.

Souvenirs

Je me rappelle les méchouis dans la caserne, les hangars avec les chars dont on s’amusait à bouger la tourelle. L’odeur de la graisse des canons et les bébés hirondelles au sol qui étaient tombés du nid.

Ma mère a toujours été malheureuse de ne jamais avoir pu travailler. Ses parents l’ont retirée de l’école où elle était brillante pour cueillir des fleurs dans des serres, alors qu’elle avait quinze ans avec la complicité d’un médecin qui a déclaré qu’elle en avait seize. Des copines de classe moins douées sont devenues dentistes…. Elle l’a toujours mal vécu.

Elle se disputait toujours lors de la Sainte Eloi, soirée sans les épouses, qui était organisée à la caserne. Elle reprochait à mon père d’y aller avec les secrétaires du régiment. A part cela, c’est elle qui portait, comme on dit, la culotte et prenait toutes les décisions. Je n’ai jamais vu mon père exprimer son désaccord…

Aujourd’hui, à plus de cinquante ans, je suis incapable de dire si mes parents étaient affectueux avec moi. Je n’ai pas de souvenir précis. Je pense qu’ils ne m’ont pas appris à m’aimer et à aimer.

Le pire anniversaire a été celui de mes treize ans. Mes parents sont allés chercher mon cadeau à la cave et je me suis bêtement imaginée que c’était un chiot berger allemand qu’ils m’apportaient. Quelle déception en ouvrant les yeux ! Un vélo allemand avec les ficelles pour décorer les roues ! J’ai fait une telle tête que mes parents ont cru que j’étais ravie.

Je n’étais pas malheureuse mais je n’avais aucune liberté. Je travaillais très bien et j’allais au cinéma l’après-midi même à vingt ans. Le jour des résultats du bac, je suis rentrée chez moi en bus alors que j’entendais mes amies qui allaient se rejoindre en boîte de nuit. Tous ces choix ont fait de moi une adulte sans expérience amoureuse et j’allais le payer cher.

Aujourd’hui, ma fille a dix-huit ans et je préfère qu’elle vive, sorte et fasse ses expériences, elle saura mieux que moi vivre sa vie de femme.

L’enfer

J’ai vécu l’enfer à 26 ans. Sans expérience, j’ai cru rencontrer l’amour. La première fois que je l’ai rencontré, je ne l’ai pas aimé . Qui est-il ce gars ? Un dimanche pluvieux, j’ai sorti mon jeune berger allemand dans le parc municipal . A peine arrivée, j’ai vu un homme se prétendant éducateur canin. Il m’a fait une mauvaise impression. Il s’est éclipsé pour aller chercher une carte de visite. J’ai essayé de parler avec son client qui avait un beauceron : C’est qui ce gars ? Mais c’était un allemand, il ne me comprenait pas. Je l’ai pourtant appelé, cherchant quelqu’un pour éduquer mon chien.

Je l’ai trouvé bizarre, il voulait absolument venir un soir après 20h. J’ai pris peur, j’ai demandé à une amie de venir travailler chez moi pour ne pas être seule. Il a cru que j’étais en couple et lesbienne. Mon chien encore jeune n’arrêtait pas de lui aboyer dessus ce jour-là, depuis le couloir… Peut-être sentait-il lui aussi que c’était une mauvaise personne.

Mais naïve et finalement, recherchant une protection paternelle, j’ai cru rencontrer le Grand amour ! Les yeux qui brillent ! je ne pensais qu’à lui . Il fallait que je prononce son prénom. J’avais mal au ventre quand je le voyais. Ma psy m’a dit que c’était mon corps qui me disait que ce n’était pas la bonne personne. Ma petite voix me l’avait dit aussi mais je n’ai pas voulu l’écouter.

L’amour passion

D’abord, l’amour passion. Fusion. Collés l’un à l’autre. Des petites fissures…. Manque de respect….Insultes pendant disputes… Mais on est amoureux…. enfin, je le croyais.

Encore sans enfant, j’ai accepté de prendre sa mère à la maison. J’ai fait tout à l’envers quand j’y repense. Que les inconvénients de la vie maritale et rien de gai, même pas la robe blanche. Il faut donc déménager et refaire les papiers peints dans notre nouvelle demeure. Il me propose de partir à Metz avec mes copines pendant qu’il va faire les travaux avec des copains. Je rentre à 20h, les amis sont partis et le papier peint n’est pas posé partout. Il s’en prend à moi, m’insulte, se défoule sur moi car il en a marre. Mon ressenti est qu’il me fait payer ma belle journée à Metz. Son vrai visage, je l’ai entrevu ce soir-là mais se disputer c’est normal pensai-je… Monsieur prend soin de lui, comble mes désirs ….

Grossesse

Puis, je tombe enceinte à sa demande. Sa mère est morte, une nouvelle vie doit remplacer celle qui a quitté cette terre. Une fois enceinte, tout est fini. Collés sur le canapé ?

  • Fini, ça me gêne….
  • Finis l’hygiène, les petits plaisirs exclusivement pour moi.
  • Finis les siestes coquines !

Il me le dit clairement : – Non, on fait une sieste !

Désormais, plus que lui ne compte. Il ne se lave plus, la phase de séduction est finie. Il prétexte qu’il se lavera quand il aura une douche. Dix ans après, il a une douche à l’italienne, immense et il se lave deux fois par an. Après il se plaint que je ne suis pas chaude, que ce n’est pas moi qui viens vers lui…

Je me suis toujours dit que s’il me trompait, je le sentirai : il se laverait mais je me rappelle que quand on a commencé à se voir, il se lavait chez moi. Bien sur, j’ai eu des doutes, très souvent. Une femme sent ces choses.

Après, il me reprochait de ne pas lui dire je t’aime, alors qu’il passait son temps à me rabaisser, m’humilier.

Une petite remarque anodine : – T’as grossi, t’as vu comme tu es habillée…

Il me réveillait à 4h du matin alors que mon réveil sonnait à 5h30. Quand on faisait l’amour, c’était vraiment très peu souvent, sûrement parce qu’il pratiquait ailleurs.

La plupart du temps, je devais m’occuper de lui et m’exciter mais il n’y avait rien du tout pour moi. Quand je lui disais qu’il n’y aurait plus de gâterie s’il ne pensait qu’à lui, il faisait comme s’il n’entendait rien. J’étais son objet parmi d’autres. Tout ce qu’il m’avait fait entrevoir comme plaisir les premiers mois, cela n’existait plus. Plus besoin, j’étais dans son filet ! Dire qu’il m’avait dit au début de notre rencontre qu’il était un homme du genre “romantique”, tout ce qu’une femme rêvait d’entendre…

Il marchait les jambes écartées, comme s’il était plus viril que les autres. Avec le recul, il était ridicule. Un jour, il avait été infecte et il voulait qu’on fasse l’amour. J’avais des larmes aux yeux. J’ai bien vu qu’il était prêt à s’énerver … Je n’ai rien dit. Je crève un pneu en allant au boulot. Je l’appelle. Enceinte de huit mois de ma fille, il s’énerve, insulte l’automobiliste qui s’arrête pour m’aider . Arrivés à la maison, il prend la pelle à neige, me frappe les jambes en disant : ” T’as de la chance d’être enceinte !! “Il me laisse dehors en pull alors qu’il a neigé et m’ouvre à 21h pour que je lui fasse à manger .

L’enfer commence

Comme je m’en veux de lui avoir fait à dîner, moi qui étais amoureuse…

Je faisais tout pour que cela marche.

Je gérais tout,

je payais tout.

Les enfants, je gère,

les devoirs aussi.

  • Les courses,
  • les repas,
  • le ménage , moi !!!
  • Acheter une promo ! moi !
  • Acheter ses clopes moi.
  • Faire son boulot en se levant à 5h, moi.
  • Même chose à 17 h en quittant mon boulot.
  • Les clubs sportifs des enfants, les compéts, moi !

Lui, sur le canapé, envoie des blagues à cinq cent contacts, il a le temps. Avec le recul, il devait appeler ses maîtresses ! Ou il compte l’argent que je lui fais gagner en faisant son boulot. Un malin.

Aujourd’hui, je me rappelle comment il a réussi ce tour de force. On sort les chiens en pension ensemble, il provoque une embrouille et bêtement je dis : -Alors, je le fais toute seule ! Ben, le voilà tranquille !!! Il ne refusait jamais aucun chien même on était complet. C’est moi qui les sortais. S’il le fallait, il patienterait dans un box à la cave, le temps qu’un chenil se libère. On pouvait aussi garder un chien à donner, à placer, gratuitement, des mois, des années puisque c’est moi qui m’en occupais. Quand je suis partie, le dobermann Apollon qui était là depuis des années, a été confié à une association allemande pour le faire adopter quinze jours après mon départ !

Stratégie

Après, tout n’est que stratégie : j’ai 26 ans, lui 36. Pour la garder, se dit-il, il faut lui faire des enfants. Me voilà sous emprise.

Les enfants, un beau moyen de chantage : si tu pars, je garde les enfants.

Dix ans après, si tu pars, je tue les gosses, ils sont jeunes, ils ne se rappeleront de rien. Il ne faisait rien avec eux. Il n’allait jamais au parc ou à la piscine avec eux. Il passait le week end à dormir sur le canapé et ils n’avaient pas intérêt à faire trop de bruit en jouant. Sinon, l’orage éclatait.

J’ai appris à mes enfants à nager et à faire du vélo. Je sortais avec eux le mercredi et le week end pour qu’ils puissent s’épanouir.

Il n’a jamais changé une couche même si j’étais au travail, le body était trempé, cela avait débordé, pas grave, maman arrive.

Si je rentrais à 20h, rien n’était fait : les chiens pas sortis, pas de bain pour les enfants, pas de repas prêt. Je me débrouillais seule. Même si pour une fois, je lui demandais d’aller chercher les enfants à l’école, longtemps à l’avance, au dernier moment, il me faisait faux bond.

Quand ma fille rentrait toute contente pour lui raconter ses progrès en gym, il n’en avait rien à faire. Lui qui ne faisait rien à l’école, il les humiliait quand le bulletin scolaire arrivait. Il souspèsait chaque mot et même si ma fille avait 16 de moyenne, elle passait un sale quart d’heure.

En classe de 4ème, j’ai eu le malheur de la défendre. Une fois seuls, il m’a avertie : – Ne me contredis plus jamais devant les enfants !

A chaque rentrée, il me faisait une crise quand je lui montrais mon emploi du temps qui, pourtant, était bien: -C’est inadmissible que tu finisses à 17h et que tu paies le périscolaire ! Ne te plains pas si tu n’as pas d’argent ! Là, il y a un trou, tu dois demander à ton chef de déplacer cette heure !

Je rentrais chaque midi pour lui faire à manger, même si je n’avais qu’une heure de pause. Je réchauffais ce que j’avais préparé et alors il me sortait : – Un tel vient prendre un sac de croquettes, sers-le, sinon il va me tenir la jambe.

Il m’appellait depuis le salon et j’étais dans la cuisine. Je devais accourir avant qu’il s’énerve. Il ne se déplaçait jamais.

Si j’arrivais en disant oui, il me reprochait :

-Pourquoi tu dis oui ?

Tu ne sais pas ce que j’ai dit !

Qu’est-ce que j’ai dit ?

Il m’aurait sifflée, c’était pareil ! Je courais car si je n’avais pas entendu ce qu’il avait dit, il avait un prétexte pour s’en prendre à moi.

Je suis sa vache à lait.

A l’époque où je l’ai rencontré, il était en plein divorce et chômeur. Je payais même ses amendes majorées qu’il me remettait des mois après et bien sur toutes les factures du foyer.

Une fois autoentrepreneur, je protestai : pourquoi ne paie-t-il aucune dépense du ménage ? Il explosait alors, me menaçait que je paierai la facture de la voiture quand elle tomberait en panne ! Quelle rigolade ! Je payais le double voire le triple chaque mois.

Quand le facteur passait, il me donnait les factures, à peine moqueur : -C’est pour toi !!!!

Il a même voulu que je paie la cotisation annuelle de son assurance vie ( plus de 780 francs ). J’ai refusé en disant que je voulais bien payer pour ses enfants mais pas pour son ex femme. Il a prétendu qu’il était divorcé et que les bénéficaires au verso ne comptaient plus. Heureusement, cela m’a paru trop gros et j’ai refusé. Résultat, il a renoncé à son assurance vie.

Pareil, il donnait pour une fois à Noël 150 euros à chacun des ses enfants d’une première union. Il glissa, l’air de rien, qu’il aimerait leur donner tous les mois, pour me faire comprendre que je pourrais payer à sa place la pension alimentaire. J’ai refusé. Bien sur, l’argent qu’il met de côté était pour nous ….

Belles paroles, il achetait moto, quad, 4×4 énormes et polluants comme si c’étaient mes rêves . Il justifiait toujours ses achats : la remorque pour le tracteur sera pour transporter le bois de l’arbre coupé dans la forêt. Jamais utilisée ! La moto, pour aller à la musique, la camionnette pour des weekends en famille ou faire du vélo en forêt ! Il faut l’isoler et mettre la climatisation.

Voilà comment il obtient mon accord. Mais elle n’a servi qu’à partir en concours canins et les vélos sont restés dans le garage. Il me dit qu’ un jour j’aurais un scooter ( pratique avec deux enfants !!!!) ou un SUV. En 21 ans, rien de rien.

Je suis partie avec 600€ après 21 ans de vie commune. Les livrets des enfants vidés, avec mon accord ( comment aurais-je pu dire non ?)

Avec les primes de naissance…. Ils n’ont jamais eu de belle chambre de bébé, je peignais des vieux meubles pour arranger leur chambre, il ne dépense rien pour eux. Comme j’étais choquée quand il a dépensé plus de cinq cent euros pour un lit princesse pour sa filleule, dont les parents pouvaient lui être très utiles.

Tout chez lui n’est que mensonges.

D’ailleurs, tout le monde se fait avoir. Beau parleur, il est drôle et sympa. Il passait des heures chez ses clients, rentrait à 22h, 23h .

Son repas, je le réchauffais x fois. Pas grave. Je l’attends. Demain, je bosse mais je l’attends comme une bonne petite épouse ( heureusement pas de mariage). Il pouvait traîner, s’incruster chez les gens, je gère : les enfants, les chiens, son boulot. Lui n’avait qu’à mettre les pieds sous la table et pouvait même se plaindre que le repas était trop cuit. Parfois, je cuisais une deuxième fournée de frites au four, la première étant trop cuite, par crainte, elle finissait à la poubelle.

Le prince charmant n’était là que pour attraper sa proie.

Une proie novice qui n’y connait rien en amour. L’idéal ! Quand on se disputait, je ne gagnais jamais. Il me lançait qu’on ne se comprenait jamais, qu’il me ferait la même chose, qu’il ferait çi, ça….. chantage comme un gosse. Je croyais à l’époque que se disputer consistait à faire chanter l’autre… J’avais toujours tort, j’avais un caractère de merde, cela ne m’étonne pas que tes parents soient fâchés avec toi !!! Et oui, tout ce que je lui ai confié pendant la période de love bombing, m’est ressorti lors des disputes.

Maintenant je comprends que quand il dit “tu as un sale caractère, tu es une salope !”, je devais comprendre : “J’ai un sale caractère ! Je suis un salop ! ” Pourtant, j’ai du caractère, je suis lionne. Rien n’y fait, c’est toujours ma faute. Je finis par y croire : je n’en fais pas assez, c’est ma faute … Quand il n’a plus rien à m’opposer, les insultes fusent : Salope !!!!

Dans ma famille, on n’est pas comme cela ….. Notre couple n’évoluait pas, des crises pour n’importe quoi, les frites trop cuites, un oui, un non.

J’avais beau tout faire, je n’y coupais pas, il explosait quand cela lui chantait … Je n’étais plus rien, je n’avais plus de projet, d’envie, de volonté, je baissais la tête, je faisais plus en espérant éviter l’orage mais cela ne suffisait jamais. Cela ne marchait jamais.

J’avais des envies simples, pas de goût de luxe, je voulais juste être heureuse avec mes enfants, même s’il fallait bosser.

Cette paix, je ne l’ai jamais eue. Je n’avais pas le droit de m’endormir devant la TV alors que je travaillais toute la journée. Il me faisait une crise quand cela arrivait.

De même, j’aimais broder devant la télévision, je ne pouvais plus : – Comment peut-on regarder un film en brodant ! Il a fait si bien que j’y ai renoncé, lassée par ces disputes pour rien.

Bien sur, c’est lui qui choisissait le programme, s’il regardait le foot, j’ai le droit d’aller regarder autre chose dans la chambre, cela passait encore sans querelle. Quand il s’est séparé de sa première femme, il m’a confié : -Comme elle est devenue froide mon ex femme…

D’après sa fille, elle en a bavé moins que moi mais aujourd’hui ces mots résonnent en moi et prennent tout leur sens.

Les violences verbales deviennent physiques. Pas les premières années mais une fois que je suis bien enceinte ! Après tout, si je reste maintenant, pourquoi arrêterait-il ? La première fois avec la pelle à neige.

Un jour, il est rentré en ayant brisé les vitres arrières de sa camionnette en marche arrière. Je ne l’ai pas battu quand il est rentré !

Rayer la voiture, l’accrocher, la terreur en rentrant.

Il prétendait détester le mensonge mais ses colères étaient telles pour n’importe quoi qu’on devait lui cacher certaines choses et attendre le bon moment pour lui dire.

Protéger les enfants de ses colères s’ils cassaient quelque chose. C’est gonflé de sa part, avec du recul, il n’y a pas plus menteur que lui. Il me trompait très souvent. Il a toujours nié : – Sur la tête des gosses, je ne te tromperai jamais, aussi grosse que tu pourrais être !

Le courage de battre sa femme, pas de dire la vérité.

Du vent, il m’a trompé dès qu’il en a eu l’occasion. Il aurait mérité d’être cocu, mais il m’a donné tellement de choses à faire que je n’avais pas le temps !

J’ai retrouvé des photos de celle que je soupçonnais. Lui, le bras sur son épaule, une posture révélatrice. Les doigts qui lui caressent le bras . – Ne me dîtes pas qu’il n’a pas mis son pinceau dans cette femme ! ai–je dit en plaisantant à mon avocat quand je lui ai montré le cliché.

Il prenait un des enfants avec lui – un alibi – quand il partait avec ses amis et sa préférée au brunch en Allemagne. – Tu vois, notre fille est avec, tu es folle, je ne trompe pas. Je me rappelle qu’il prenait son fils aussi âgé de six ans avec lui quand il me rejoignait en forêt alors qu’il était en plein divorce. Je suis persuadée qu’il reproduit le même schéma, la même drague, dans les mêmes lieux, comme un éternel recommencement.

La pensée du suicide

J’ai pensé au suicide une fois. Je voulais me pendre, à un arbre dans le tournant de l’autoroute. Il aurait pu me voir de la route, en rentrant en camionnette. Mais quand on a des enfants, on ne leur fait pas cela.

Je ne voyais pas de solution. Je voulais acheter une corde à Leroy Merlin. J’ai, avec du recul, compris qu’il est jaloux. Un jour, au début de notre relation, il m’a présenté à un ami de longue date. J’étais son faire-valoir . Une jeune femme belle, blonde, bien faite et avec dix ans de moins que lui. Avec un travail de fonctionnaire et qui aimait les chiens. J’ai parlé innocemment avec son ami ; il a fait une crise, menacé de me laisser sur place, je n’avais qu’ à me débrouiller pour rentrer seule.

Aujourd’hui, je vois clair. Comme quand il dit du mal d’un tel : en fait, il est jaloux de sa réussite, lui qui est feignant. Il ne fait absolument rien, ni rentrer le bois, ni les courses ni la bouteille de gaz.

A cinquante-sept ans, il découvre l’autonomie : sortir la poubelle pour la première fois, acheter des cotons tiges, il n’y a pas d’âge pour apprendre !

Il ne fait rien mais tout ce que je fais est mal fait. Je nettoyais l’aquarium – une de ses lubies – l’eau était très sale quand j’aspirais le fond de l’aquarium, il râlait : – Ce n’est jamais comme cela quand je le fais ! Il va me montrer comment on fait la prochaine fois. Résultat, il le fait une fois et se débarasse de l’aquarium.

Plusieurs fois, le sous-sol a été inondé suite à de fortes pluies. Il est 20h , je nettoie seule, j’ai encore les chiens à sortir, le repas à faire et il me dit : – Ca ne te dérange pas si je vais à la musique ? Que pouvais-je lui répondre ? Oui cela me dérange !

Les disputes

Quand on se disputait, il ne s’excusait jamais. Le regard noir, haineux, durant trois jours au moins, même si je n’avais rien fait. Je faisais tout pour éviter la dispute mais cela ne marchait pas puisque c’était lui qui décidait quand elle éclatait : pour un oui ou non, peu importe, cela partait en vrille !

Mais je lui faisais à manger, comme j’étais bête !!!

Il pouvait me frapper, se déchaîner sur moi, son assiette était là. Souvent, il critiquait quelque chose, il devait le faire exprès. La mienne finissait dans la poubelle, un noeud au ventre. Il était content.

Après une dispute, il mettait le son à fond le soir pour que je ne puisse pas dormir, demain je me lève à 5h 30 pour faire son job avant le mien.

Le matin, il se masturbait, une façon de dire : – Tu vois, je n’ai pas besoin de toi.

Au début, il m’a dit qu’il se couperait le doigt à chaque fois qu’il me battait . Il n’aurait plus eu de doigt au bout d’un an. Treize ans de violences.

Il m’ignorait trois ou quatre jours puis, un midi, me parlait comme si de rien n’était d’un client qui ….

Bien sur, vu que c’est moi qui m’occupais des clients pour que monsieur reste sur son téléphone et le canapé, il fallait bien revenir à la normale.

Il m’utilise.

Il ne s’excusait plus, jamais.

Une fois, j’en ai eu marre, je suis partie avec des sacs poubelles. Il est venu me chercher et m’a dit : – Je ne t’aide pas à rentrer tes affaires, que cela te serve de leçon.

Au début, il m’embrassait les yeux fermés. Plus tard, il m’embrassait les yeux ouverts comme pour voir si je le soupçonnais de quelque chose ou pour me jauger.

Plus d’amour. C’était un signe pour moi. Au début, durant les sept premières années sans enfant, il donnait un coup dans le mur à côté de mon visage.

D’ordinaire, il m’humiliait, m’insultait. Là, j’étais dans tous mes états, j’ai appelé un jeune couple, ils n’ont pas su m’aider.

Une fois mère

Une fois mère, il me frappait avec tout ce qui était autour de lui. Le balai, le manche en métal de l’aspirateur….

Ce qu’il préfèrait c’était me tirer par les cheveux car cela ne se voyait pas. Lors de la dernière dispute, j’ai ramassé quelque chose par terre. Ce n’est que le lendemain que j’ai compris que ce n’étaient pas les poils de la balayette mais mes cheveux. Le cuir chevelu était en sang, cela faisait mal pendant quinze jours quand je me lavais la tête.

Il m’a déjà maintenue au sol, le pied sur la poitrine et asséné des coups de poing dans la tête. Les derniers mois, je pensais en voyant le tournevis qu’il laissait traîner dans la cuisine qu’il m’était destiné si par malheur la dispute éclatait dans la cuisine. Ma fille toute petite m’a vue frapper à coups de balai devant sa chambre. Elle a ouvert la porte et tétanisée, l’a vite refermée.

Lors des repas organisés chez nous, il donnait des conseils maritaux : la routine, ça tue un couple, lui et moi nous sommes sur le même plan d’égalité ….

Trop drôle !

Le pouvoir

Une relation de pouvoir, je n’étais rien, je n’avais rien et lui il avait tout.

On a même hébergé une femme battue, qui se retrouvait dehors à 3h du matin quand son mari buvait. Alors que lui même battait sa femme. Une façon de s’acheter une bonne conscience…

Il n’a même pas l’excuse de l’alcool, il était mauvais à jeun. Un jour après une violente dispute, il m’a lançé : – Tu as vu ce que tu m’obliges de faire devant les enfants ! Même s’ils ne voyaient pas, les enfants pleuraient dans leur chambre et venaient me voir quand tout était fini pour savoir si j’allais bien.

Je m’en veux de ne pas être partie plus tôt, je ne pensais pas qu’ils étaient si traumatisés, il ne les a pas frappés  à part deux fois – une bonne claque ou fessée – un regard suffisait pour leur faire peur. Ils détestent leur père comme ses premiers enfants. Son fils avait confié à un professeur de 6ème qu’il n’aimait pas son père et celle-çi me l’avait répété.

Lors des dîners chez nous, je courais partout, j’allais chercher l’apéro, la vaisselle. Lui, monopolisait la parole, racontait toujours les mêmes blagues et savait tout sur tout. Quand je voulais participer à la conversation, il me coupait sans cesse la parole, en s’excusant, une fois, deux fois, trois fois. A la fin je ne disais plus rien.

Je n’ai jamais confié ce qui se passait une fois la porte fermée. Juste au couple de jeunes collègues et à deux mamans devant l’école. Mais j’avais honte, elles savaient ce que j’endurais.

Certaines personnes ne l’aimaient pas mais ils nous invitaient car ils m’appréciaient. Parfois, la vérité sortait sans que je parle. Le mari d’un tel m’a confié qu’il a toujours su qu’il me battait. Ces choses se voient.

Ma fille à l’âge de trois ans a dit à sa marraine et grande soeur ( sa fille aînée de son côté ) : – Papa frappe maman ! Plus grande, elle l’a confié à ma meilleure amie qui attendait que j’ai le déclic.

On était invités chez eux pour fêter Nöel. Les petits plats dans les grands. Mon hôtesse s’était donnée beaucoup de mal pour me faire plaisir. Au cours du repas, il a prétendu que j’avais profité de son absence pour couper plus courts les cheveux de mon fils. Il s’est mis à m’accuser en hurlant, menaçait de partir si je lui répondais. Mes hôtes sont partis dans la cuisine, ne sachant plus quoi faire. Ma fille les a suivis et leur a confié que c’était pire d’habitude : “Papa bat maman”. Bien sur, l’ambiance était gâchée, il a crié que si je lui répondais, il partirait. Je me suis tue.

Il avait ce talent de tout gâcher.

Certaines personnes nous invitaient mais ne l’aimaient pas lui. Même la communion de mon fils ! La veille, je lui avais dit que j’avais acheté des muffins en grande surface et que je n’irais pas à la boulangerie comme tous les dimanches, puisque le lendemain, on passerait la journée à table dans un restaurant réputé des environs. Il acquiésça. Mais le lendemain, cela ne lui convenait plus. Il a décrété en colère qu’il irait LUI à la boulangerie.

La coiffeuse arriva. A la sortie de l’église , la marraine de mon fils a remarqué que je n’allais pas bien. Lui, passa une belle journée, mis en valeur par la qualité de la réception.

Lors de la dernière dispute, le problème était que je ne lui avais pas lavé un pantalon. Dans la corbeille à linge, je ne l’avais pas vu entre les couettes. Ce n’était pas comme s’il n’avait qu’un seul pantalon, il le voulait absolument pour son rendez-vous médical du lendemain à Strasbourg. Un maudit pantalon à poches.

Je sais que je ne dois pas me justifier comme me l’a dit ma psy ! Il en avait un autre tout neuf. Il m’a sorti que cela faisait trois jours que je le cherchais.

Bien sur, il faisait cent kilos …

je le cherchais. Je le vois encore courir en slip pour me frapper. Pour cela, il avait de l’énergie. Il m’a jeté dessus la chaise de la cuisine de plus de dix kilos. Je me suis enfuie vers la salle de bain et il m’a tiré les cheveux et asséné des coups.

Je lui disais toujours ce que je pensais même si je savais que la punition serait plus lourde. Je ne me suis jamais tue, j’ai payé cher.

Un jour, j’ai lâché qu’il était méchant comme sa mère, heureusement qu’il ne m’avait pas entendue. Je criais souvent que ce n’était pas juste. Ce soir-là, j’ai compris que je pouvais mourir en me prenant le coin du lavabo ou du plan de travail de la cuisine.

Le déclic

J’ai eu le déclic, demain, le Jeudi 14 Juin 2018 serait le dernier jour avec ce monstre qui me gâchait la vie et ne m’apportait rien. J’ai dormi dans la chambre de mon fils qui était en sortie à Vigy et j’ai attendu le matin. A 4h, il n’était toujours pas parti, j’avais peur qu’il ne parte plus à son rendez-vous.

  • Je l’ai entendu remettre la chaise de la cuisine en place, un vrai maniaque.
  • Et il est parti.
  • A 7h, j’ai envoyé un message à mon amie et je lui ai dit que c’était fini.
  • -Sandrine, t’es sérieuse ?
  • Elle savait et attendait que j’ai enfin ce déclic. Je suis allée au travail,
  • à 10h j’avais rendez-vous chez l’associé de mon médecin traitant car celui-ci ne travaillait pas le jeudi.
  • Il m’a rempli un formulaire d’ITT de 4 jours, et a constaté mon état de choc.
  • A 13h, j’ai pleuré en salle des casiers, la secrétaire a demandé ce que j’avais et la femme de mon médecin, ma collègue, a tout entendu et a pris les choses en main.

Elle a téléphoné à son mari et à un ami gendarme. Je devais porter plainte avant 17h. L’adjoint a présidé mon conseil de classe à ma place et ma fille a été récupérée à 18h par ma collègue. Ce jour-là, je faisais passer l’oral du DNB entre deux crises de larmes. Je m’en rappelle encore. Un départ non préparé. Du jour au lendemain, j’ai pris mes bulletins de salaire, le livret de famille, mon ordinateur et mon fusil : il aurait encore été capable de se tuer et je l’aurais eu sur la conscience.

Quand je ne suis pas rentrée ce soir-là, il a d’abord parlé des conseils de classe, qu’il ne savait pas quand je rentrais, que mon téléphone était peut-être déchargé, que ma fille ne répondait pas.

Un accident ?

Mais très vite, il m’a menacé sur le répondeur : – Ca va pas le faire ! Appelle-moi ! Appelle- moi ! Il sait le pouvoir qu’il a en paroles. Puis des pleurs, supplications, laisse -moi une dernière petite chance.

Ma fille aussi est harcelée : Appelle papa !

Bien sur, c’est lui la victime.

Partie avec les enfants depuis trois jours, il pleurait et demandait de ne pas oublier combien il était mal. Je devais lui laisser une petite chance.

Invités au mariage d’un collègue, il disait qu’on allait chanter, s’amuser, ou même sourire et que je devais penser à sa souffrance.

Il y a pire que lui, répétait-il, il ne buvait pas, il ne frappait pas les enfants ( rarement mais c’était très violent).

Il a eu sa chance treize ans pour changer, il en voulait une dernière.

L’idée qu’il y ait mieux que lui, bien mieux, ne l’effleurait mêrme pas.

Quelqu’un m’a demandé où il était. J’ai répondu que j’étais partie, que c’était définif même si lui pensait que c’était temporaire.

Le jour de la garde à vue, j’ai refusé de le voir. Il a demandé par l’intermédiaire des gendarmes si je pouvais le remplacer pour les chiens en pension qui arrivaient à 18h. J’ai refusé. Lui disait que nos problèmes seraient réglés le soir même! Quand je faisais à manger, c’était bon mais ….

Combien de fois je l’ai entendu ce “mais”. Cela pourrait être plus croustillant, plus crémeux, plus si … plus ça. Bien sûr, il est trop feignant pour ouvrir une boîte de conserve mais il donnait des conseils sur tout. Il fallait lui couper ses crêpes et il se plaignait que les morceaux tombaient dans son assiette : il va me montrer comment il faut faire !!!

Mon assiette finit à la poubelle . Plus de crêpes, je veux éviter la dispute. Il détestait quand il se salissait les doigts, même un burger du Mc Do mal placé dans l’emballage et il s’énervait.

Quel tyran !

On ne pouvait pas manger Kebab pour ne pas se salir les doigts. Faire une tortillas mexicaine, c’était prendre le risque que cela dégénère….

En vingt ans de vie commune, il a fait deux fois à manger. Je devais être contente ! Il a râlé qu’il ne trouvait pas l’égouttoir, le fouet et m’a laissé toute la vaisselle sale à ranger !

Quand on revenait d’une soirée, je sortais les chiens à la lampe de poche, dans l’obscurité de la forêt. Lui avait au lit devant la TV.

Il posait son linge, à moi de le remettre dans l’armoire, de ranger ses chaussures. Je suis sure qu’il ne savait même pas où elles étaient rangées. Après il prétendait que j’étais bordélique et que je remettais à plus tard ce que j’avais à faire.

Je cirais ses chaussures en ayant peur qu’il dise que ce n’était pas bien fait et le col de la chemise à repasser pouvait aussi dégénérer en dispute. Une fois, une amie du Nord en visite lui a lâché : – Tu es sûr d’habiter ici ? Car il ne savait pas où étaient rangés les sacs poubelles.

J’étais sa mère. La mère d’un enfant capricieux, infecte et jamais content. Je faisais tout. La seule chose que je n’ai pas faite pour lui, c’est lui essuyer le derrière !!

Tout le monde le trouve sympathique, amusant.

On l’aime. Enfin, presque. J’entendais certaines personnes qui disaient du mal de lui. En fait, ce sont ceux qui voient clair, qui savent que c’est un PN, un profiteur.

Il choisit ses amis. Il garde un certain temps ceux qui peuvent lui être utiles.

Il choisit le parrain de ma fille dans la police pour faire sauter ses amendes.

La marraine de mon fils car son conjoint a une agence immobilière. Cela pourrait lui être utile plus tard.

Il ne me demande pas mon avis, il me met devant le fait accompli. Ce sont des gens bien mais je n’ai pas eu mon mot à dire. Il sait comment utiliser ses “amis” pour qu’ils travaillent pour une bouchée de pain pour lui.

L’un lui taille un jour entier les haies contre un sac de nourriture chien (coût de revient : 19e).

Un autre lui répare le portail…. Bref, il a ses “amis” et lui dirige et leur offre un coup quand c’est fini. Certains mettent du temps à réaliser, se fâchent avec leur épouse qui ne comprend pas pourquoi, en sortant du travail, il va chez lui. Le samedi matin aussi. Quand ils finissent par comprendre, il se dispute avec eux et claque la porte en disant : – J’ai besoin de personne !

Il n’a pas d’amis dans la durée. Une fois, j’ai assisté une querelle avec un de nos invités : on aurait dit un combat de coqs !

Il ne garde que ceux qui lui sont utiles. Il sait y faire, manipuler les autres.

Après mon départ, une amie lui repasse son linge, une autre lui fait des tupperwares – le pauvre ! il a tellement maigri ! – et une cliente lui fait même les cartons alors qu’il ne veut pas quitter la maison,mais au cas où on le mettrait dehors, les cartons sont faits !

Il a besoin d’être entouré, de briller.

Il invitait tous les week-end l’été alors que j’avais beaucoup de travail.

Vingt-deux chiens à sortir matin et soir, parfois vingt-quatre !

Il ne me demandait pas mon avis. Il me l’annonçait après coup. Il me donnera l’argent pour la viande, les alcools… Une fois sur cinq ! Pendant ces soirées, je m’occupais de tout : des courses, du ménage, de son boulot -toujours- et lui venait faire le tatillon sur la décoration de la table. Il est maniaque pour ce genre de chose, pour le reste il est bordélique mais donne des leçons aux autres : – Pourquoi cette chose traîne là ? Alors qu’il ne ramasse même pas son slip de la veille.

Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais. En public, il dit du bien de moi : je gagne bien ma vie, je n’ai pas besoin de lui, je pourrais le quitter !

J’ai fini par mettre son conseil en pratique ! Oui, je n’ai pas besoin de lui, je fais tout, je sais faire. Et il ne m’apportait rien, qu’un noeud au ventre…

Contrairement à lui qui est assisté comme un enfant. Il est tyrannique, fait régner la terreur mais “il nous aime”. Il aime ses enfants mais ne fait rien avec eux. Ce sont aussi des objets qui me remplacent quand je refuse de faire quelque chose.

Même quand tout s’annonce bien, une sortie anodine avec son père finit toujours mal : – Viens mon fils gonfler les pneus avec moi ! Aucun contrôle, il s’en prend à lui, qui ne sait rien faire. Mon fils rentre en avalant ses pleurs.

Encore une occasion gâchée pour créér un lien avec son père. Il ne les aime pas. C’est tellement facile de lui faire peur avec ses cent kilos et un regard noir de haine. Mon fils avait tellement peur de lui qu’il lui a fait caca dans la main quand il a reçu une fessée, et elle était violente. On en a ri des années plus tard en sortant d’une audition des enfants. La pression retombait et on en a ri dans la voiture alors que ce n’était pas drôle du tout !

Il se comportait avec moi comme s’il était mon père. Quand je ne travaillais pas, on allait manger à la cafétéria d’un supermarché. A priori, un moment pour nous. Je devais passer le prendre. Le stress s’installait, il se prenait pour un moniteur d’autoécole. – Pourquoi n’es-tu pas en seconde ? Tu roules sur la plaque d’égout, tu le fais exprès ou quoi ? Pourquoi te gares-tu là ? Et pas là-bas ? Encore maintenant, cinq ans après, je pense à lui à chaque fois que je roule sur une plaque d’égout.

Il s’installait toujours face à la vitre pour voir les gens passer comme il disait. Avec le recul, je sais qu’il mâtait les jeunes femmes qui passaient.

Avec le pantalon le plus serré. Cela ne le gênait pas de se retourner sur une belle femme en me tenant la main : Dieu m’a donné des yeux pour regarder !!! Bien sur, je ne pense qu’à rentrer.

Il me demandait ensuite si je voulais aller quelque part. Hors de question, je veux rentrer. Une fois, j’ai pris un nid de poules sur le chemin menant à la maison. Il s’est énervé, m’a claqué la tête contre la vitre et m’a craché dessus. Ce crachat est surement ce qui m’a le plus fait de mal et j’aimerais lui rendre. En avoir le courage. Je l’aurai un jour. Et après, il disait qu’il m’aimait. Il aime nous tester, nous faire peur.

Il cherche à provoquer. Par exemple avec les couettes de chien à plier : il tirait d’un coup sec, je lâchai la couette, j’avais peur. Ou il la pliait dans l’autre sens, bien sur pas dans le sens que j’avais choisi. Parfois pour rire ou pour tester son emprise peut-être …

Il me faisait honte.

Un jour, il s’est énervé chez le médecin qui m’a rempli a postériori mon formulaire ITT car il avait quarante minutes de retard à cause d’une urgence. Des années après, il se rappelait de cet affreux personnage.

Je m’étais toujours dit qu’il ferait pleins d’histoires dans les hôpitaux si un jour j’avais un cancer.

J’ai pris conscience qu’il ne m’apportait rien, que du stress, la peur au ventre.

Un jour, j’ai fait un malaise au travail. Je suis partie avec les pompiers. A mon retour en taxi à la maison, il m’a crié dessus car ma voiture était restée au collège, s’est énervé pour payer les 10€ du taxi. Dès mon retour au travail, j’ai supprimé son nom en personne à prévenir en cas de problème. D’ailleurs, les rares fois où j’étais en arrêt maladie, c’était toujours la dispute et je finissais par me dire : – Pourquoi ne suis-je pas au boulot ?

Il m’a trompée maintes fois. Quand il m’a rencontrée, il avait déjà une aventure extra-conjugale. Je l’ai su plus tard. Une fois en couple avec moi, il continuait à regarder quand on passait devant sa rue si sa voiture était garée en bas de chez elle, même si je l’avais déjà repris quand il le faisait. Pourquoi cela l’intéressait-il encore ? Je l’ai senti, il a toujours nié. Sur la tête des gosses, jamais !

Il part à 4h30 du matin avec une anncienne amie qui vient de divorcer, elle s’ennuie … Elle laisse son chien à sortir, pas de problème, je le sortirai !

Il ne m’a pas demandé mon accord. A leur retour, elle était mal à l’aise, je n’étais pas contente, mais je n’ai rien dit. Il est aussi parti avec elle à Strasbourg, ils ont déjeuné ensemble et il a achété un jeans avec elle. Mais je délire !

Il la prenait pour les brunchs avec ses copains et prenait ma fille de 7 ans avec, comme pour dire : – Tu vois, il n’y a rien entre nous, notre fille est témoin. Il prenait aussi son fils de sa première union quand il me rejoignait en cachette en plein divorce. Avec le recul, je suis persuadée qu’il reproduit les mêmes schémas, la même technique de drague, les mêmes lieux de rencontre discrets. En tous cas, j’ai revu sa maîtresse quatre mois après mon départ : il était venu pleurer chez elle ! Quelle surprise ! Elle a répondu qu’elle ne s’en mêlait pas mais je lui ai quand même dit qu’il me battait depuis treize ans. Ils ne sont pas ensemble aujourd’hui. Cela a du la refroidir.

Une connaissance commune m’a confié récemment qu’il avait maintes fois essayé de la draguer mais qu’elle avait toujours refusé. Je savais qu’elle ne l’appréçiait pas, il était désagréable avec elle, surement parce qu’elle se refusait à lui. Pourtant, il m’a juré qu’il ne m’a jamais trompé, même pas ” une pitchinette ” comme il dit. Mon oeil !

Après, il avait tout le loisir de le faire : il accompagnait en concert un groupe de musique les week ends. Il n’y connaissait rien mais voilà qu’il s’occupait de la sono. Mère de deux jeunes enfants, je restais à la maison et lui rentrait à 3h du matin.

Deux fois par semaine, il allait à des répétitions, retours tardifs encore. En fouillant dans l’ordinateur des années plus tard, j’ai trouvé plusieurs photos de sa préférée. Quel idiot, il vidait des photos de son i phone sur mon ordi. D’autres aussi, très nombreuses, toutes jeunes et jolies mais il aurait dit que ce n’étaient que des clientes ! Mais, bizarre, aucune de moche ! Pourtant, ce n’était pas un beau mec. Juste un beau parleur qui a l’air sympa.

J’aimais ses yeux. J’y ai vu des étincelles au début. Des années après, il ne me regardait même plus. Je n’y voyais plus que de la haine après ses crises pour un rien. Après mon départ, il m’a attendue en bas du CMP où ma fille m’avait rendez-vous, rendez-vous qu’il a prétendu ignorer – faux, le CMP demande l’accord des deux parents pour un suivi. Il me laisse un message : – Le choc de nous voir !! Toutes les deux devant moi ! Alors que cela fait des années qu’il ne me regarde plus ! Il force ma fille à l’embrasser, elle s’exécute même si elle n’en a pas envie et je coupe court à la conversation, on n’a rien à se dire. Bien sur, il s’agit d’un guêt-apens : en trois semaines, il a perdu 15-20kgs, il est méconnaissable, ce choc doit me culpabiliser et me faire rentrer. Le tout pour le tout !! Preuve pour moi qu’il est malade.

Pendant quelques mois, il fera le chantage au suicide mais rien n’entame ma détermination : je ne reviendrai pas et je lui ai dit dès la première semaine. Je suis fière de ne plus me faire manipuler.

Il racontait qu’il se prendrait un mur avec la camionnette. Il a enregistré un message d’adieu pour les enfants et moi. Presque cinq ans ont passé, il est bien vivant, cherche une nouvelle proie et occupe la maison gratuitement.

Certaines choses me dégoûtaient chez lui.

Plus d’hygiène et il me demandait de lui arracher les noeuds dans ses cheveux sales avant de se laver la tête et m’engueulait si je faisais mal sa raie. Je devais lui ramener une bassine d’eau chaude quand il se coupait ses ongles des pieds…

J’étais vraiment sa mère, pas une femme. Il faisait des promesses : il rangera son courrier quand j’aurais fait des banettes de classement. Tous les cinq mois, on devait classer son courrier, sous sa direction, je faisais des tas sur le sol de ce qui allait ensemble.

Il gardait tout.

Il n’avait pas envie de le faire et il m’accusait de souffler ou de lever les yeux et il explosait ! Dispute garantie !

Je me rappelle quand il m’a amené dans son appartement alors qu’il divorçait : Il y avait des piles de courrier d’un mètre de haut !

Il décidait tout, quand on quittait un dîner. Même si ma fille avait 38e de fièvre, on rentrait à 1h du matin contrairement à sa promesse. Demain, elle a compét de gym, rien à faire, retour tardif.

Il demandait toujours un grand verre d’eau avec glaçons avant de lever l’ancre. Il faisait toute une histoire s’il n’y en avait pas. Je savais qu’il fallait encore une heure avant qu’il se décide à partir. Au retour, il aimait me faire peur. Il descendait la voie rapide avant Forbach, au point mort. En bas de la descente, on était à plus de 130 au lieu de 70. C’était en plus le premier à faire un délit de fuite s’il y avait la police. Je m’accrochais à la portière en disant que je ne voulais pas mourir ni les enfants. Il ne répondait rien.

Il prend toutes décisions, ce qu’il fait de l’argent que je lui fais gagner et demande mon aval. Tu parles, il me frappe, j’acquièsce, je ne fais pas le poids. Notre vie est toute tracée, il a tout planifié sans me demander si ce sont mes rêves : on aura deux chiens, un camping car à la retraite et une petite maison rectanglaire. J’imagine l’enfer dans cet univers restreint, loin de tout le monde et à faire la cuisine dans deux mètres carrés.

Un jour, il sort devant des invités : – On va partir s’installer en Australie. Ma fille a pleuré à l’idée de quitter ses amies. Je n’étais pas au courant. Comme si là-bas, un homme de presque soixante ans pouvait trouver un job en claquant des doigts.

Même des années plus tard, il est dans le déni.

Avant le tribunal , il m’a sorti qu’il n’était pas si mauvais, qu’il y avait pire que lui.

A mon fils de dix ans, il parle de “maman qui travaille trop” , de ” gens qui influencent maman” mais jamais de papa qui frappe maman comme si ce n’était pas là le problème.

A l’un, il prétendait que j’étais partie car je travaillais trop, à l’autre, car on n’allait pas assez au cinéma. Ou que j’étais partie avec les meubles, que j’avais organisé mon départ puisque pendant sa garde à vue, j’avais pris le frigo et le lave linge. Ou que MAINTENANT – surement un acte manqué ! – il n’y a plus que NOUS qui comptons ! Il n’y a jamais eu de nous, il y a eu lui, lui et toujours lui.

Il ne parle pas de moi à ses clients car il ne sait pas ce qu’ils savent … Au mieux, il racontait que c’était sa faute, sans entrer dans les détails.

Jamais il ne m’a demandé pardon, d’ailleurs je ne lui pardonne pas. Quand il parlait de suicide, je lui avais dit que je lui pardonnais mais ce n’est pas vrai. J’étais encore sous emprise.

  • J’ai la haine.
  • La rage.

Car la maison me relie à lui et il fait tout pour empêcher la vente.

Cinq ans déjà.

J’ai essayé de comprendre d’où venait cette maladie.  Le bourreau ne se pose pas ce genre de questions.

Un enfant non désiré ?

Un père cruel ?

Un enfant en manque d’amour ?

Quoiqu’il en soit, rien ne justifie ce qu’il a fait. C’est impa rdonnable. Il ne voulait pas que je souscrive une assurance décès. Ayant plus de quarante ans, cette question me tarrodait. Il me disait que je serai enterrée dans le caveau de ses parents avec lui. L’idée d’être sous ou sur lui dans la tombe m’a toujours horrifiée. Il m’aurait encore écrasé de son poids dans la mort !

Certaines choses me choquent aujourd’hui alors que quand j’étais sous emprise, je ne voyais rien.

J’ai un poignet cassé, je sors quand même les chiens en pension.

Le jour où je dois accoucher de mon fils, je sors la dizaine de chiens avant d’aller à l’hôpital. Je ressens des contractions, je rentre pour l’avertir que le travail a commencé. Il me dit : – Ca te dérange pas que je finisse mon petit déj ???

Après six ans de bataille, je n’ai plus de lien avec lui . La maison, il l’a rachetée en l’hypothéquant, surement avec l’aide de son ami idéaliste Fred qui se fait manipuler et qui croit à ses mensonges.

Quand j’y pense, il faut vraiment être bête pour racheter une maison qui a déjà été payée. Signe qu’il n’a pas de nouvelle proie, il ne sait pas où aller et déménager, c’est fatiguant….

C’est moi qui faisait les cartons quand il allait se coucher. J’ai eu la chance qu’il soit endetté et il a voulu négocier chez le notaire.

Pour éviter des années au tribunal, je lui ai accordé une petite somme pour qu’il accepte le partage. Cela devait vraiment le contrarier. Mais il n’est rien et pour lui, l’argent, c’est important, cela lui permet d’exister.

J’aimerais que mon expérience serve et aide d’autres femmes.

Monsieur a sa punition : il a tout perdu et le bouche à oreille a marché d’enfer. La honte a changé de camp. C’est à lui d’avoir honte. Je souhaitais sa mort mais au bout de quelques années, je préfère maintenant qu’il vive longtemps sa petite vie misérable, en transpirant pour chaque vingt euros gagnés.

La reconstruction

Au moins 13 ans de misère pour effacer l’ardoise du passé. J’ai eu la chance de rencontrer des gens extraordinaires : Gaby, une dame que je ne connaissais même pas, qui est venue m’aider pour nettoyer mon nouvel appart, un propriétaire sympathique, Gaston, qui est devenu mon ami, le soutien inconditionnel de ma Pat chérie qui a été de bons conseils, qui m’a secouée, secourue et aidée à m’acheter des meubles. Des personnes géniales au CMP, l’infirmière Sandrine, toujours rayonnante et souriante, ma Psychologue.

A la Maison du Département, l’éducatrice Sophie, le psychologue Philippe qui m’a beaucoup aidée à comprendre ce que j’avais vécu. Merci pour les lectures qu’on a partagées. Ma psychologue qui intervient dans le cadre des violences conjugales, Mélanie, et une assistante sociale géniale spécilisée à la gendarmerie, Virginie aux précieux conseils et à la belle personnalité.

Le PAJED avec Maya et le psychologue Arthur pour aider mon fils en souffrance. J’en oublie peut-être mais vraiment, pour le secteur, une équipe géniale qui travaille ensemble.

Pour finir, des collègues qui ont fait une collecte pour m’aider à acheter des meubles, et mon avocat, pertinente , percutente, une vraie tueuse qui a su supporter la mauvaise foi, les manigences incessantes de Monsieur (pour empêcher la vente de la maison) et protéger mes enfants.

La DASEN avec deux femmes qui m’ont beaucoup conseillée les premiers jours pour protéger mes enfants et savoir comment agir. Même si j’y pense encore – mais de moins en moins – je suis à nouveau moi et plus forte que jamais.

Féministe et lionne !

Je revis et je réalise mes projets en pensant à moi.

Quel bonheur !