L’activité professionnelle occupe une place importante dans la vie d’un adulte. Elle peut être source de bien-être, mais aussi de souffrance psychologique. Alors que faire lorsqu’un patron PN jette son dévolu destructeur sur l’un de ses subalternes ? Y a-t-il des solutions pour gérer la situation autres que la démission ou le changement de poste ? Comment éviter de se trouver sous l’emprise d’un supérieur hiérarchique machiavélique ? Quels sont les recours en cas de harcèlement au travail ? Voyons comment préserver son emploi et sa santé psychique lorsque l’on œuvre sous la direction d’un vampire émotionnel.
Le travail : bien plus qu’un gagne-pain
Le bien-être au travail est une préoccupation dans l’air du temps. Il est désormais admis que l’activité professionnelle occupe une place très importante dans la vie des adultes en capacité d’exercer. Elle est souvent constitutive de l’identité du travailleur et, en plus de remplir une bonne partie de son emploi du temps, elle influe grandement sur sa psyché. Le travail peut donc être source de bonheur, ou du moins d’équilibre, mais aussi de mal-être.
De nos jours, on est bien loin de la conception réductrice du “job alimentaire” ou du devoir de contribuer au fonctionnement de la société par la valeur travail. Autrement dit, on met du cœur à l’ouvrage, on exerce des métiers passions, on s’investit émotionnellement et on cherche une sorte d’épanouissement à travers l’effort fourni pour notre employeur. Autre particularité : la profession et les conditions de son accomplissement ont tendance à déborder sur la vie personnelle. En clair, l’impact de l’environnement professionnel s’étend potentiellement jusqu’à la sphère privée et familiale.
Au regard de ces notions, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) œuvre pour la prévention des risques psychosociaux (RPS). Selon cette entité, cette notion désigne en France “les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental.” Ainsi, l’investissement personnel dans le cadre professionnel peut, s’il est contrarié, affecter notre santé et celle de notre entourage. La dégradation, voire la destruction étant le but poursuivi par tout MPN, quelle aubaine que de pouvoir satisfaire ses pulsions sadiques tout en étant rémunéré !
Pourquoi les MPN accèdent-ils à des postes à responsabilité ?
Vous l’aurez compris, l’attachement que la grande majorité des travailleurs entretiennent à leur profession, couplé à un marché du travail tendu où les demandeurs d’emploi sont plus nombreux que les offres crée de facto une dépendance à l’employeur. Presque sans effort, le patron pervers narcissique dispose donc d’un vivier de proies faciles à tourmenter, puisqu’elles n’ont bien souvent d’autre choix que de subir ses assauts en tous genres. Pour peu qu’il s’acharne déjà sur une victime (conjoint ou enfants) au sein de son foyer, il lui est particulièrement agréable de ne pas avoir à user de stratagèmes compliqués pour trouver un autre soufre-douleur lui permettant, en journée, de satisfaire son obsession pour le contrôle et la domination. D’un point de vue pratique, les profils manipulateurs ont donc tout intérêt à accéder à des postes de management. De plus, cela convient bien à leur personnalité grandiloquente qui compense son vide intérieur par une position sociale prestigieuse.
Mais comment expliquer que des actionnaires ou des PDG accordent des postes à hautes responsabilités à ces malades mentaux ? L’insatisfaction au travail comporte pourtant un coût important pour une société, entre les arrêts de travail, la baisse de productivité et le turnover que cela engendre. C’est là que l’on peut une fois de plus blâmer la plus grande qualité du PN, aussi utile pour lui qu’effroyable pour les autres : sa capacité à séduire.
Comment opèrent les patrons manipulateurs ?
Les talents d’acteur du patron MPN offrent un double avantage : inspirer la confiance chez les décideurs et dissimuler ses intentions malveillantes envers ses collègues. Lorsqu’il élit sa proie, voici comment il procède pour la ferrer.
Phase 1 : La flatterie
Lorsqu’un supérieur hiérarchique a pour dessein de faire souffrir un salarié ou un prestataire qu’il est chargé de superviser, il commence toujours par l’amadouer. Au début de la collaboration, vous aurez l’impression de former une véritable équipe de choc, d’être valorisé pour vos talents et votre dévouement à l’entreprise. Vous obtiendrez de votre patron PN une reconnaissance, voire une gratitude sans borne et vous vous sentirez à la fois spécial et chanceux. Les promesses fuseront, parfois même au-delà de vos propres ambitions. Cela ressemblera fortement à ce que l’on appelle “la lune de miel” dans les cas de manipulation affective dans le couple. Dans ce climat de partenariat stimulant, un lien de confiance s’instaurera forcément. Et les limites commenceront à s’estomper…
Phase 2 : Le recueil de confidences
Nous avons vu qu’il est quasiment inévitable que l’environnement de travail déborde sur la vie personnelle. Bien souvent, ce pont entre les 2 univers ouvre un passage à double sens. Ainsi, le lien de connivence vous mène à baisser votre garde et petit à petit, sans penser à mal, vous livrez des détails de votre sphère privée à votre boss. Cela va de l’anecdote sur un trait de caractère du conjoint à des déboires avec les enfants. Ce qui s’apparente à une sorte d’amitié naissante est en fait, pour le MPN, un recueil de données. Plus il en sait sur vous, plus il pourra tourner les détails sur votre vie à votre désavantage. Ce que vous pensez être un intérêt pour l’être humain que vous êtes est en fait une topographie de vos faiblesses à exploiter. D’ailleurs, en étant attentif à ces moments de dévoilement, on remarque que bien souvent, que vous êtes la seule personne à vous confier réellement. Si votre interlocuteur feint de vous livrer des éléments de sa sphère hors travail, c’est uniquement pour vous encourager à lui donner une multitude de renseignements sur vous.
Phase 3 : Le retrait
Une fois que le manipulateur machiavélique qui vous dirige en sait suffisamment sur vous, vos croyances, votre configuration familiale et sociale, vos rêves et désirs, le temps est venu pour lui de se retirer de l’alliance de départ. Commence alors le jeu du chaud et du froid visant à vous déstabiliser. Tout à coup, il trouve vos performances décevantes et insinue que votre potentiel d’évolution a probablement été sous-estimé. Bref, vous n’êtes plus à la hauteur. Sous couvert de fausse bienveillance, votre patron pervers argumentera que vos piètres résultats sont certainement dus à vos tracas familiaux. Après tout, c’est bien vous qui en avez parlé, il ne l’a pas inventé ! Et puis il usera de tous ces pouvoirs de dirigeant pour enclencher votre descente aux enfers. En réalité, ce sont ses injonctions paradoxales et ses objectifs irréalistes qui vous mettent en échec. Et c’est ainsi que vous en arrivez à douter de vos aptitudes à exercer votre métier.
Phase 4 : L’isolement
Soyez sûr qu’à l’étape de la séduction, il ne s’est pas concentré uniquement sur vous. Il a aussi fait en sorte de vous séparer du groupe de collègues (en douce, cela va sans dire). Diviser pour mieux régner, c’est un principe chez tous les PN, une technique manipulatoire qu’ils utilisent même auprès de leurs propres enfants. Ainsi, vos pairs ont sûrement jalousé votre nouveau statut de favori et ont éventuellement entendu des mensonges à votre égard, sur des choses que vous auriez dites ou faites. Ces animosités se sont créées à votre insu et ont été orchestrées en tous points par votre patron pervers narcissique. Il s’agissait de préparer le terrain de votre déchéance afin que personne ne vienne voler à votre secours.
Phase 5 : La destruction
Ça y est, vous avez perdu le soutien de votre patron et de vos collègues de travail. Il ne reste plus au vampire émotionnel qu’à rentrer dans le harcèlement en toute impunité, jusqu’à ce que destruction s’ensuive. Tout à coup, vos demandes de congés sont refusées pour des motifs obscurs, impactant négativement votre vie de famille. On supprime vos avantages sous le prétexte qu’ils sont injustes et mettent en péril le fonctionnement de la société. Vous voyez également vos primes supprimées, puisque votre efficacité au travail est remise en cause. On surveille vos horaires d’arrivée, de départ, de pause. On vous fait des remontrances à la moindre occasion. On vous demande d’en faire toujours plus tout en vous signifiant que ce n’est jamais assez. Vous commencez à douter de vos compétences et le stress chronique que cela engendre finit effectivement par nuire à votre travail. Ce qui était une fiction devient une réalité et vous voilà dans un état de souffrance au travail. Vous êtes cerné et les seules solutions possibles pour briser le cercle infernal se résument toutes à la fuite : démission, changement de poste ou mise en congé maladie.
Comment se protéger d’un patron PN (et sauver sa carrière) ?
Il est difficile d’anticiper la présence potentielle d’un pervers narcissique au sein de votre direction, mais pour éviter de vous retrouver dans une situation inextricable comme celle que nous venons de décrire, il faut appliquer au travail quelques règles de comportement strictes :
- Partir du principe que vous devez toujours faire vos preuves. Quelqu’un qui loue vos talents démesurément, alors même que vous n’avez pas eu l’occasion de démontrer vos capacités, est forcément suspect et doit vous inspirer de la méfiance.
- Ne jamais se confier sur sa vie privée. Moins un patron en sait sur vous, plus il s’attachera à des faits tangibles pour évaluer votre travail, sans y inférer des déductions hâtives pouvant vous desservir.
- Établir des limites claires. Mettre tout en œuvre pour que la relation professionnelle se fasse sur la base du respect mutuel, indépendamment du rapport hiérarchique. Aucun responsable d’entreprise n’est autorisé à vous malmener ou à vous humilier. Cela constitue une conduite abusive qui doit être rapportée au rang au-dessus ou à la direction des ressources humaines ou encore, le cas échéant, à l’Inspection du travail. Rappelons d’ailleurs que toute personne témoin de ces agissements est tenue par la loi de les dénoncer.
- Documenter les interactions conflictuelles et les incidents. Conserver des traces de tout ce qui constitue des excès d’autorité pourra servir de preuve en cas de litige.
- Entretenir une bonne relation avec ses collègues. Les autres salariés de votre service sont les personnes les plus à même de vous comprendre et de vous soutenir en cas de difficulté. Maintenez la communication avec eux de façon à former un front uni face à une direction tyrannique.
- Alerter sur ses difficultés. N’attendez pas d’être dans une situation inextricable pour parler de vos problèmes. Dès les premiers signes de mésentente avec votre patron, demandez à être reçu en entretien par les acteurs de la protection des travailleurs : délégués du personnel, syndicats, DRH, médecine du travail, supérieur hiérarchique au-dessus de votre chef le cas échéant.
- Se faire aider par des professionnels de la santé mentale. L’accompagnement psychologique en cas de maltraitance au travail peut permettre de faire face efficacement aux tourments du quotidien, en attendant de trouver une vraie solution au problème. N’oublions pas que ce genre de détresse peut mener à la décompensation somatique, c’est-à-dire au développement de troubles physiques et comportementaux susceptibles, dans les cas les plus extrêmes, d’être mortifères.
- Évaluer les options possibles à la suite de la carrière. Si les difficultés rencontrées au travail semblent insolubles et que votre patron PN n’est pas près de vous lâcher, il est temps de vous projeter dans un autre univers professionnel. Peut-être pouvez-vous prétendre à des formations ou à un bilan de compétence afin de donner un nouveau souffle à votre parcours professionnel. Et si votre métier vous tient trop à cœur pour en changer, peut-être pouvez-vous commencer à démarcher d’autres entreprises ou envisager de vous lancer dans l’entrepreneuriat. Quoi qu’il advienne, le mot d’ordre est de prévenir au maximum, pour éviter d’avoir à guérir, surtout si les dommages psychiques causés sont trop importants.
Si vous avez le sentiment que votre patron est PN, évitez à tout prix de former avec lui un lien d’exclusivité, car celui-ci pourrait causer votre perte. Les nouveaux arrivants d’une entreprise qui vous promettent monts et merveilles ne devraient jamais vous faire baisser votre garde sur de belles paroles. Souvenez-vous que vos compétences sont réelles, mais qu’elles restent à être reconnues sur la base de résultats tangibles. De même, la légitimité de votre supérieur reste à prouver par des faits. De plus, ne vous fiez pas aux bruits de couloirs sans en discuter avec les principaux intéressés. Enfin, et par-dessus tout, protégez votre vie privée de votre vie professionnelle et inversement, en évitant les passerelles entre les deux. Si vous vous sentez dépassé par les événements, faites appel à un réseau de soutien solide et parlez de vos difficultés sans honte.