Marguerite

40 ans de silence, de faux semblants

Un visage qui chante et qui sourit, qui fait comme si tout allait bien.

Comment peut on arriver à  laisser faire ?

Comment peut-on subir et ne rien dire ?

Par honte beaucoup, par faiblesse sans doute car c’est usant. Pour protéger les enfants croit on (ce qui est faux car les enfants voient tout et comprennent tout).

Je suis née en 1953 dans une famille ouvrière : un père aimant mais absent et une mère laborieuse mais indifférente je crois.

Nous étions 5 enfants (4 garçons et moi, la fille).

Nous avons été élevés surtout dans l’interdiction de… pas de tendresse ni de réconfort.

Nous croyions être heureux car soudés, toujours dans la rue pour jouer. (Il y avait très peu de voitures en région parisienne et la rue et la nature étaient notre terrain de jeu).

À la maison

où nous vivions surtout pour y dormir, nous ne parlions jamais de notre nous intérieur. On ne disait pas si l’on avait mal car cela n’intéressait pas notre mère et notre père travaillait beaucoup.

  • Donc enfance heureuse, mes frères et les camarades dehors.
  • Une adolescence triste : comme je ne décidais de rien, on m’a mis dans un lycée technologique où je ne me plaisais pas. Très seule car pas vraiment d’amis.

Comme j’avais été éduquée à être docile et à ne rien dire, j’ai passé mon bac et là, échec.

C’est là, que j’ai rencontré mon prédateur.

  • J’avais 17 ans, il était le copain de mes frères donc “valeur sûre”.
  • Après ça, mariage trop jeune, quelques années de travail puis 2 enfants.
  • J’ai donc arrêté de travailler. Je n’avais personne pour s’en occuper.
  • Et à partir de là, alors que je faisais tout à la maison, je me suis aperçue que mon mari passait sa soirée à faire la liste de ce qui n’avait pas été fait (ça c’est un premier signe d’alerte !)

Il me reprochait le comportement des enfants pour justifier sa distance vis àvis d’eux.

Donc, je me sentais coupable de tout. Alors  bien sûr j’ai essayé de m’améliorer pour lui…

Sexuellement, c’etait tordu : si j’avais du désir, il me proposait ” des plans ” comme il disait. Il était très demandeur même si je ne voulais pas.

Si je refusais, il ne me parlait plus du tout, aux enfants non plus. Alors  je cédais et il me disait que c’était normal puisque j’étais sa femme.

Il a été le seul homme dans ma vie.

Les années ont passé ainsi. J’ai beaucoup pleuré. Je n’en parlais à personne tellement j’avais honte de moi.

En 2000

alors que ma fille était souffrante  (elle avait 20 ans) à l’étage de notre maison  j’ai découvert mon mari au sous sol avec sa maîtresse (une copine à moi). Je suis tombée à genou comme si j’avais reçu un coup de couteau dans le dos…

L’humiliation à son paroxisme ! À partir de là, j’ai décidé de me prendre en main.

Moi, qui aimais tant chanter, j’ai pris des cours particuliers de chant ( que je payais en faisant des ménages). Aux concerts, les gens m’applaudissaient. Ils étaient prêts à venir me voir partout. La révélation : je n’étais donc pas si nulle que ça !!!  J’ai commencé à m’apprécier à nouveau. J’avais 47 ans

Mais tout a été très dur :

Pas de travail donc pas possibilité de partir. J’ai donc patienté encore en le convainquant de vendre notre maison et de partir en province au moment de sa retraite.

Nouveau lieu. Je lui ai posé un ultimatum. Je n’ai pas de travail donc tu pars.

Mon fils était là pour me soutenir, il est donc parti non sans menace bien sûr.

Une fois que la décision est prise (car il y a un jour où on prend la décision et on sait qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible).

J’ai choisi d’attendre que les enfants soient autonomes pour prendre ma décision car j’appréhendais une éventuelle garde alternée.

Il est donc parti contraint par notre fils en 2011 mais j’avais de quoi lui donner sa part. J’ai donc gardé notre maison à la campagne.

J’avais peur qu’il ne revienne. Si mon fils n’avait pas été là, je pense qu’il ne m’aurait pas lâchée  son emprise sur moi avait été immense et dévastatrice !

Les enfants ont été marqués aussi : mon fils est proche mais ma fille a voulu me chasser de sa vie pour se protéger et protéger ses enfants :” tu ne guériras jamais m’a t elle dit”

Mais si, malgré les souvenirs qui refont surface souvent, avec l’affection de quelques uns, on peut continuer à vivre et profiter.

Aujourd’hui, j’ai 69 ans. Je vis en paix chez moi. Je jardine. La nature m’a apporté un grand réconfort. Je vais écouter des concerts car la musique m’est vitale.

Que de souffrances intérieures ont été évacuées.

Alors, partez ! Ne vous retournez pas mais préparez votre départ avec réflexion et avec l’aide de quelqu’un. Seule, on n’a plus la force même si l’envie est là.

Il ne m’a jamais frappé mais il m’avait détruit mon envie de vivre. ( je sentais que ma bougie intérieure s’éteignait).

Désormais, je fais des choses que je ne pensais pas pouvoir faire. Je me  suis découverte enfin à 66 ans !

Je commence enfin à vivre

Je ne savais pas, c’est tout simplement ça !

Courage à toutes, ne lâchez rien car ce que ne savent ces hommes là c’est qu’un jour “il y a la goutte d’eau qui fait déborder le vase” et leur emprise ne fonctionne plus et contrairement à ce que l’on croit, il y a une force considérable en nous !

Et aujourd’hui, à presque 70 ans, je peux enfin dire que j’ai trouvé une sérénité que je n’imaginais plus possible. Cette paix, elle ne s’est pas imposée d’un coup. Elle est le fruit de longues années de luttes, de doutes et de petits pas vers moi-même. Chaque fleur qui s’épanouit dans mon jardin est comme une victoire, une preuve que même les terrains les plus arides peuvent redevenir fertiles.

Je ne minimise pas les cicatrices, car elles font partie de mon histoire. Certaines nuits, les souvenirs me réveillent encore, mais ils n’ont plus le pouvoir de m’enchaîner. Je les regarde avec cette distance que seule la résilience peut offrir. J’ai appris à transformer cette douleur en force. Cette force, je veux la transmettre, la partager, pour que d’autres trouvent en elles ce courage que l’on croit souvent inexistant mais qui sommeille en chacune de nous.

Ce que j’ai compris, c’est qu’il faut préparer son départ avec soin, en silence parfois, mais toujours avec une stratégie. S’entourer des bonnes personnes est essentiel. Cela peut être un ami, un enfant, un voisin bienveillant ou un professionnel. Qu’importe, du moment que cette main tendue vous aide à avancer. Et quand le moment vient de partir, il faut saisir cette opportunité avec détermination, sans se retourner.

Mon fils, je ne le remercierai jamais assez pour le soutien qu’il m’a apporté. Sans lui, je serais peut-être encore sous l’emprise de cet homme qui avait fait de ma vie un théâtre d’humiliations et de renoncements. Ma fille, je l’aime profondément, même si elle a choisi de me mettre à distance pour se protéger. J’espère qu’un jour elle comprendra que ma libération n’était pas seulement pour moi, mais aussi pour elle et pour tous ceux qui m’entourent.

Aujourd’hui, je ne vis plus pour les autres, mais pour moi. Ce sentiment de liberté est encore fragile, mais il grandit chaque jour. À toutes celles qui lisent ces lignes, je veux dire ceci : vous avez en vous une force insoupçonnée. Même dans les moments les plus sombres, elle est là, prête à se réveiller. Faites-lui confiance. Ne laissez personne éteindre cette lumière qui vous habite.

Je veux aussi rappeler que, même si la société reste souvent sourde aux souffrances des victimes de violences psychologiques, notre combat est juste. Chaque voix qui s’élève contribue à faire bouger les choses, à briser le silence qui entoure ces situations. Alors parlez, écrivez, osez vous exprimer. Vous n’êtes pas seules.

À 69 ans, je peux enfin dire que je vis. Pas comme avant, pas dans l’ombre, mais pleinement, avec mes passions, mes projets et cette confiance retrouvée. Je ne pensais pas pouvoir le dire un jour, mais je suis fière de la femme que je suis devenue. Et cela, personne ne pourra jamais me l’enlever.

Alors à vous, mes sœurs de combat : croyez en vous. L’espoir existe. La vie, malgré tout, peut être belle.